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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

et où il s’efforçait de préciser la notion de cette philosophie de la nature, de cette « physique supérieure » dont les grandes lignes s’organisaient à ce moment dans son esprit.

Le cadre de son roman lui fut fourni par une légende très répandue à ce moment dans les milieux occultistes. Les Alchimistes et les Franc-maçons théosophes avaient coutume de faire remonter leurs traditions hermétiques aux mystères égyptiens d’Isis dont le culte était célébré dans le temple de Saïs. Schiller s’était emparé de ce motif, d’abord dans son traité sur la Mission de Moïse. Il y présentait le temple de Saïs comme une haute école de sagesse où l’on enseignait la doctrine de l’unité de Dieu et de l’immortalité de l’âme, où l’initié qui, sous la direction de l’hiérophante, était conduit graduellement des ténèbres vers la lumière, s’élevait finalement à l’intuition de la cause unique de l’univers, de la force primordiale de la nature, de l’Être suprême d’où jaillissent par émanation tous les autres êtres. Puis, dans sa poésie philosophique l’Image voilée à Saïs (1795), il utilisait le même motif pour exprimer sous forme symbolique la conviction kantienne que l’intuition de l’Absolu est refusée à tout jamais à l’homme. Une loi mystérieuse interdit au néophyte de soulever le voile de la statue qui trône au fond du temple de Saïs. Malheur au téméraire qui osera enfreindre l’ordre