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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

tutélaire de la divinité ! Il possédera la science, mais cette science maudite sera mortelle à son bonheur et le sacrilège s’acheminera à sa fin à travers un morne désespoir.

Novalis emprunte à Schiller ce thème poétique, mais pour lui donner un sens tout différent. Le temple de Saïs devient, dans son imagination, l’image idéale de cette Académie de Freiberg, où il est venu chercher la révélation du mystère de la nature. Dans le Maître de Saïs qui groupe autour de lui les disciples attentifs et recueillis, dans le Sage qui a été investi de la haute mission d’annoncer aux néophytes de la science l’évangile sublime de la nature, on reconnaît sans peine le grand géologue Werner, dont la doctrine et la personnalité inspiraient à Novalis autant d’enthousiasme que de respect. Enfin Hardenberg se dépeint lui-même, dans son roman, sous les traits de l’un des jeunes gens qui cherchent auprès du Maître, la révélation qui apaisera leur nostalgie. Ce disciple, nous est-il dit, est moins adroit que les autres, moins expert dans l’art de découvrir les trésors de la nature. Il ne comprend pas tout à fait le Maître ; mais il sent que celui-ci le comprend, qu’il ne prononce pas une parole qui soit contre son sentiment. Le Maître a pour lui de l’affection : il le laisse s’absorber dans ses pensées, tandis que les autres se répandent au dehors. Et ainsi toutes les choses le ramènent à lui-même