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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

« J’aime, confesse-t-il, les amoncellements et figures étranges que renferment les salles de collections du Temple ; mais j’ai l’impression que ce ne sont là que des symboles, des voiles, des parures, disposés autour d’une image divine merveilleuse, et cette image occupe sans cesse ma pensée. Je ne la cherche point ; mais je cherche parmi ces trésors du temple. C’est comme s’ils devaient me montrer le lieu où, plongée en un profond sommeil, demeure la Vierge vers qui soupire mon âme ». Et parmi le va et vient affairé des néophytes, le disciple attend, dans le silence et le recueillement, la révélation ineffable qui lui fera voir enfin la Vierge que pressent sa nostalgie, l’Image mystérieuse du temple de Saïs. Le kantien Schiller vouait à la mort l’impie qui prétendait voir en face à face la divinité redoutable. Le mystique romantique déclare au contraire : « S’il n’est point donné aux mortels de soulever le voile, il nous faut donc tenter de devenir immortels. Qui renonce à le soulever, n’est pas un vrai disciple de Saïs ! »

Il n’y a, d’ailleurs, ni intrigue, ni description de milieu dans cet étrange roman. Les êtres de rêve qu’évoque l’imagination de Hardenberg nous apparaissent comme à travers un brouillard et se meuvent en un décor indécis et irréel, comme en dehors du temps et de l’espace. On nous donne seulement une série de conversations ou plutôt d’effusions lyri-