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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

IV

La première partie d’Ofterdingen s’ouvre dans le plan de la vie réelle et de l’illusion dualiste. Elle nous montre comment, dans une humble famille d’artisans, à Eisenach, au moyen âge, vers la fin du xiie ou le commencement du xiiie siècle, naît et se développe un génie poétique supérieur.

Le père de Henri d’Ofterdingen, dont Novalis, au début du roman, nous fait voir le paisible et modeste intérieur familial, n’est qu’un simple ouvrier en métaux, habile en son art et estimé de ses concitoyens, mais qui ne dépasse pas le niveau des gens de sa caste. Un instant, à l’époque de sa jeunesse, lorsque, compagnon alerte et amoureux, il résidait à Rome sous le beau ciel d’Italie, il a eu le pressentiment confus d’une vie supérieure. Un rêve prophétique lui a montré une fleur merveilleuse, vers laquelle il se sentait attiré par une étrange nostalgie. S’il avait deviné la signification cachée de ce songe, s’il avait été ému jusque dans les profondeurs de son être par le mystère entrevu, il aurait pu déchiffrer l’énigme du monde. Mais ce n’était qu’une nature moyenne. Le rêve est demeuré confus en son esprit. Il n’a même pas gardé le souvenir de la couleur de la fleur merveilleuse. Il a vu simplement, dans le songe prophéti-