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LA JEUNESSE DE NOVALIS

n’a d’ailleurs rien d’ascétique ni de chagrin. Il aime la vie, il veut en jouir largement et c’est sans remords, en bonne conscience, qu’il aspire au plein épanouissement de sa personnalité. L’enfant rêveur et replié sur lui-même est devenu un élégant cavalier qui se flatte de « jouer un rôle brillant sur la scène du monde », qui mène gaiement la vie pittoresque d’étudiant allemand, qui se bat en duel, qui a le sang chaud et le cœur inflammable, fréquente volontiers le monde où l’on s’amuse et s’éprend à Leipzig, d’une certaine Julie qui figure plus tard dans la société berlinoise sous le nom de Mme Jourdans. Beau et richement doué, appartenant à la plus haute aristocratie, il est fait pour plaire et pour réussir dans le monde. Il s’y présente comme un dilettante épris de philosophie et d’art, enthousiaste de Platon et de Hemsterhuys, causeur étincelant dès qu’il se trouve en face d’un partenaire digne de lui. Il professe un optimisme convaincu et déclare « qu’il n’y a point de mal dans l’univers », qu’on se rapproche d’un nouvel âge d’or. Bref, il apparaît à son ami Schlegel comme l’incarnation même de la jeunesse et de la joie de vivre. « Le destin, écrit celui-ci à son frère, a mis dans mes mains un adolescent dont on peut tout espérer… C’est un tout jeune homme encore, de belle mine et de bonnes manières, au visage distingué, aux yeux noirs. Sa physionomie prend une expression