Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

libératrice de la Fable, l’âge d’or est ramené dans le Monde. La glace qui emprisonne le royaume d’Arcturus se fond. La cité morte s’anime d’une vie nouvelle. Partout s’épanouit un printemps merveilleux, partout fleurit une nature régénérée par l’amour, où les plantes et les animaux vivent dans une harmonieuse fraternité avec les hommes. Plus de polarité ; le galvanisme règne partout. Instruit par la Fable, Éros, au moyen de l’étincelle électrique, réveille Freya de son sommeil : l’Amour ressuscite la Paix. Arcturus et Sophie, le Hasard créateur et la Sagesse divine, unis enfin après leur longue séparation, bénissent le nouveau couple et le couronnent du diadème royal. Ginnistan et le Père seront leurs représentants sur la Terre. Le jardin des Hespérides fleurit à nouveau. Le Temps s’arrête. La Fable file désormais à la place des Parques la trame des destinées. Et elle chante à pleine voix : « Le royaume de l’Eternité est fondé. Dans la paix et l’amour s’achève l’antique conflit. Le long rêve douloureux s’est évanoui. Sophie demeure à jamais la prêtresse des cœurs » !

Tel est, dans ses grandes lignes, le conte de Klingsohr. Œuvre étrange et déconcertante s’il en fut, à peu près unique dans la littérature allemande, condamnée par les uns qui n’y voient que froides allégories et rébus irritants, exaltée par les autres qui admirent l’art subtil avec lequel un poète délicat