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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

l’imagination d’un poète. C’est une fiction allégorique, dont les personnages sont empruntés aux mythologies d’Orient et d’Occident, dont l’intrigue fabuleuse et surnaturelle se déroule en dehors du temps et de l’espace, dans le domaine de la fantaisie pure.

La seconde partie du roman — dont Novalis n’a pu écrire que le prologue et le premier chapitre, — devait rétablir la continuité entre l’histoire et la fiction. Si, comme le veut la doctrine de l’idéalisme magique, la réalité n’est qu’une fiction de l’imagination créatrice, s’il n’y a pas de différence fondamentale entre l’histoire et le mythe, il n’y a pas lieu de s’étonner si l’histoire d’Ofterdingen vient peu à peu se mêler et se confondre avec le conte de Klingsohr. À mesure que Henri d’Ofterdingen prend davantage conscience des parties profondes de son moi, son « histoire » devient aussi de plus en plus fantastique, et il se rend mieux compte que son « grand moi » plonge, par ses racines dernières, en des régions que ne soupçonne pas son « petit moi » emprisonné dans l’illusion dualiste. Ainsi le héros du roman et avec lui les autres personnages » dépouillent peu à peu leur réalité concrète et individuelle pour prendre une valeur symbolique. Inversement les personnages du Conte se mêlent peu à peu aux personnages du roman, et s’avèrent de plus en plus comme des êtres aussi « réels » que ceux-