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L’ŒUVRE POÉTIQUE DE NOVALIS

suffit pas pour ouvrir à l’initié les portes de la vie supérieure : il faut qu’à l’amour se joigne le sacrifice. C’est dans la souffrance seulement que peut naître le nouveau monde. Il a fallu, dans le Conte de Klingsohr, l’immolation de la Mère pour que l’univers fût régénéré. C’est la mort de Sophie qui pour Novalis, a été la révélation décisive. Et de même son héros Ofterdingen, ne dépasse le point de vue de l’illusion dualiste que sous l’aiguillon de la douleur. C’est à l’instant de la suprême détresse qu’une extase soudaine, en lui découvrant dans un rayon lumineux, le séjour de paix et de béatitude où l’a précédé sa bien-aimée, lui fait comprendre tout à coup le mystère de la mort et de l’individuation.

Novalis admet que sous le moi conscient il y a un moi plus profond ou Esprit, qui ne peut pas se manifester intégralement dans l’existence individuelle du moi conscient. L’impuissance évidente de la forme corporelle et terrestre à exprimer de façon adéquate l’Esprit qui est en elle, nous force à admettre que cet Esprit n’a pas commencé et ne prend pas fin avec ce moi borné, mais se manifeste en une série d’incarnations successives. Un Esprit nous apparaît ainsi comme une essence indestructible dont le développement se poursuit à travers une foule d’existences individuelles. Or dans la vie ordinaire, la conscience du moi ne dépasse pas les limites de l’existence indi¬