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CONCLUSION

Il la vit venir sans peur et sans déchirements. Il accepta l’idée de mourir au moment où la vie semblait de nouveau lui sourire comme il avait accepté peu d’années auparavant la mort de sa fiancée, — sans un mot de désespoir, sans un geste de révolte. Tranquillement il se prépare à une double alternative : ou bien épouser Julie si un mieux se déclare, ou sinon, s’apprêter pour le grand voyage. Et pour ce dernier cas, il note avec soin les livres qu’il veut encore lire, les démarches qu’il lui reste à faire, les gens qu’il désire encore voir. Avec une force d’âme touchante dans sa simplicité, il sait vouloir et faire sienne la volonté du destin : il sait triompher véritablement de la maladie en l’utilisant consciemment pour son développement intérieur. À travers toutes les épreuves il demeure fidèle à son optimisme mystique, qui, voyant partout Dieu, refuse de reconnaître une réalité à la souffrance et au mal. « Ne condamne nulle chose humaine, dit un Fragment. Tout est bon, mais non partout, non toujours, non pour tous ». Plus tard encore il déclare : « Il n’y a pas de mal absolu, pas de souffrance absolue ». La maladie elle-même et la mort ne sont peut-être que la condition de synthèses plus hautes. Et cette foi dans la bonté de l’univers et du destin s’affirme toujours plus confiante et plus sereine, sous l’aiguillon de la souffrance et la menace de la mort dans le journal où Hardenberg note, de loin en loin, les