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CONCLUSION

chimérique, l’illuminé dépris des choses terrestres qu’on nous dépeint. Son premier biographe, déjà, le bailli Just, avait protesté contre cette déformation du caractère de son ami. Et de fait : Novalis fut, dans l’existence de tous les jours, un jeune homme sage et ordonné, préoccupé de faire un bon mariage et de se créer un intérieur agréable, un fonctionnaire appliqué et consciencieux, un homme de science curieux des découvertes les plus modernes et profondément épris de la nature. Il n’avait nul dédain de la vie et aurait su se faire, si la mort ne l’avait arrêté de bonne heure, une existence agréable, intelligente et utile. Il est plus faux encore d’idéaliser de parti pris, comme l’a fait Tieck, le milieu où se déroula la vie de Hardenberg, de célébrer la pauvre petite Sophie comme une créature céleste et de nous dépeindre leurs fiançailles comme l’idylle d’un séraphin et d’un ange. La réalité fut, nous nous en souvenons, plus « terrestre » que cela, et il se mélangea beaucoup de prose humaine, trop humaine à la poésie des amours de Novalis. Il est faux enfin de faire de Hardenberg l’annonciateur d’une doctrine nouvelle et de présenter ses œuvres comme les débris d’une construction grandiose. L’édifice de la philosophie de Novalis n’a très probablement jamais existé, même virtuellement, dans son imagination, et ses Fragments nous montrent simplement l’effort d’une