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CONCLUSION

présentent, en effet, un trait plus ou moins déplaisant. La sentimentalité de Jean-Paul devient excédante à la longue. Tieck est un grand enfant qu’on a peine à prendre au sérieux. Frédéric Schlegel choque par son dilettantisme cynique et sa grasse sensualité. Auguste-Guillaume Schlegel se rend ridicule par sa fatuité de vieux beau. Fichte offusque par l’âpre intolérance de son dogmatisme et Schelling par ses agaçantes prétentions à l’infaillibilité, Schleiermacher déconcerte par les fluctuations de sa nature complexe. Novalis au contraire est tout harmonie. Il a, par sa noblesse et sa simplicité ingénue, exercé une irrésistible séduction sur tous ceux qui l’approchaient. Et aujourd’hui encore, on ne résiste guère au charme insinuant et subtil qui se dégage de cette douce physionomie.

Gardons-nous, d’ailleurs, d’exagérer son importance. Peut-être est-il le représentant par excellence du romantisme comme Gœthe est l’incarnation typique du classicisme. Mais ne cherchons pas à effacer les distances. Gœthe vécut quatre-vingt-deux ans en parfaite santé d’âme et de corps, produisant tout un monde d’écrits, développant une activité prodigieuse dans les domaines les plus divers, lèguant à l’humanité quelques chefs-d’œuvre impérissables et l’exemple d’une vie qui est peut-être son chef-d’œuvre le plus admirable. Novalis est mort de la phtisie à vingt-huit ans, sans avoir