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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

qu’elle quitte Iéna pour rentrer à Grüningen en décembre 1796, il espère encore contre tout espoir. Peu de temps avant sa mort, il accourt une dernière fois à son chevet. Jusqu’au bout il l’entoure de sa tendresse. Jusqu’au bout, aussi, elle demeure pleine de vaillance, grondant son ami, « parce qu’il avait été contraint de donner un peu d’air à son cœur en pleurant devant elle ». Puis, après quelques jours d’un mieux trompeur, elle avait eu, en sa présence, « sa première crise de l’effroyable alarme ». Le lendemain Novalis s’éloignait, obéissant au désir de sa fiancée, sentant d’ailleurs qu’il était hors d’état de supporter les scènes affreuses qui allaient se dérouler. Quelques jours après, le 19 mars 1797, elle rendait le dernier soupir… L’avant-veille elle était entrée dans sa quinzième année…

Nous sommes à même, maintenant, d’entrevoir le sens profond qu’a eu, pour la vie intérieure de Hardenberg, cet étrange et douloureux roman d’amour.

L’un des traits essentiels de la psychologie de Novalis c’est, nous l’avons vu, cette inquiétude, cette instabilité, cette nostalgie imprécise qui le tourmente déjà à l’époque de ses années d’université. Il aspire ardemment vers un état de paix et d’équilibre, vers un bien qu’il ne connaît pas et qui lui donnera la tranquillité tant cherchée, vers cette « fleur bleue » qu’il a chantée plus tard dans son