Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

s’éveille une exaltation lyrique de tout notre être, par qui l’univers s’illumine d’une splendeur féérique, cet amour terrestre est le pressentiment du grand amour, de la force mystique qui est l’âme même du monde. « Mon intelligence, écrivait Novalis à Just, s’était petit à petit développée et empiétait peu à peu sur le domaine du cœur. Sophie a rendu au Cœur son trône perdu ». Ainsi l’amour a été la clé qui lui a ouvert l’intuition plus profonde de l’univers. Il pouvait écrire, en ce sens, à Schlegel en lui annonçant ses fiançailles : « Mon étude favorite s’appelle au fond comme ma fiancée : Sophie est le nom de celle-ci, Philosophie est l’âme de ma vie, la clé qui m’ouvre l’accès de mon moi le plus intime. Écrire et me marier, c’est là le but identique où tendent presque tous mes vœux… Je pressens toujours plus clairement en toutes choses, les membres augustes d’un Tout merveilleux où je dois me fondre et qui doit devenir le plein épanouissement de mon moi ». Sophie a été, aux yeux de son fiancé, la médiatrice qui l’a mené à Dieu. Par elle, il a eu la révélation de sa mission terrestre et de sa mission spirituelle. Elle lui a montré le sens de la vie et la voie du bonheur.

L’inquiétude religieuse, inconsciente encore de son objet, avait poussé Novalis vers l’amour. Par l’amour — un amour pour une fillette d’abord, pour une malade ensuite, où l’imagination avait plus de