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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

part que les sens, où les réalités positives du mariage n’apparaissaient que dans le lointain de l’avenir, où la rêverie sentimentale pouvait donc se déployer à l’aise, — cette inquiétude religieuse était ensuite devenue consciente d’elle-même. Novalis avait eu peu à peu l’intuition de ce qu’il était au plus profond de lui-même : une âme éprise de Dieu, qui cherchait Dieu par le cœur comme par l’intelligence, par toutes les énergies de son être tout entier. Et ainsi s’était noué peu à peu, chez lui, un lien toujours plus étroit entre l’amour humain et l’amour divin. Il aimait Sophie de toute la ferveur de son sentiment religieux. Son amour pour sa fiancée se confondait en un même élan d’adoration avec le besoin fervent qui le portait vers le principe éternel de l’Être.

C’est là, sans doute, un fait psychique étrange et, si l’on veut, anormal. Anormal par la fusion parfaite qui s’établit chez Novalis entre deux séries de représentations et de sentiments qui restent d’ordinaire distinctes. Anormal aussi la ferveur de l’enthousiasme lyrique qui s’allume dès lors en lui. J’accorde même que l’apparition de la tuberculose chez Novalis, n’est peut-être pas sans avoir favorisé dans une certaine mesure cette exaltation érotico-mystique que l’on observe chez lui. Mais je ne vois pas qu’il faille le tenir ni pour un monomane halluciné, ni pour un dégénéré, dont le mécanisme