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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

tinée à mourir jeune d’une maladie organique. Supposez que cette Ève s’empare de Novalis-Adam comme un vampire de sa proie, que Novalis tombe dans un état de « conscience double », qu’il se sente d’une part lui-même et d’autre part un être qui ne peut pas vivre, qui est condamné à mourir jeune, à suivre la morte dans sa tombe. Supposez enfin que cette disposition d’abord simplement psychique envahisse peu à peu la nature physique du « possédé », engendre chez lui un état de dépression, puis la phtisie, que l’amant de Sophie meure enfin de ce vampirisme, et vous aurez l’hypothèse étrange que le poète Schlaf propose pour expliquer le « cas Novalis » !

Je serais tenté d’admettre, pour ma part, que nous pouvons essayer de comprendre l’état d’esprit de Novalis d’une manière plus simple, sans recourir à des spéculations psycho-sphysiologiques hasardeuses, sans faire de lui ni un hystérique, ni un cabotin de lettres, ni un possédé.

Qu’il ait traversé, au moment de la mort de sa fiancée une crise exceptionnellement douloureuse et de nature à le bouleverser jusqu’au plus profond de son être, cela ne fait aucun doute. Sans doute sa grande passion pour Sophie avait été en partie un amour de rêve. Mais ce rêve se rattachait à une réalité, à cette frêle enfant dont il suivait le développement depuis près de trois ans, qu’il avait si long-