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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

temps disputée à la mort, et qu’il aimait d’autant plus ardemment qu’il la sentait plus fragile. Elle morte, n’est-il pas naturel que Hardenberg ait cru de bonne foi qu’il était mort à l’amour terrestre. Et une série de circonstances pénibles ou douloureuses venaient encore aggraver son chagrin. Il s’était brouillé définitivement, peu avant la mort de Sophie, avec son oncle de Lucklum, le « Grand Croix » qui lui avait brutalement représenté la sottise qu’il faisait en liant ses destinées à celles d’une jeune fille pauvre et malade. Ses relations avec son père n’était pas des meilleures. Son frère Erasme, qui étudiait à l’école forestière de Zillbach, était atteint de tuberculose ; dès le début de 1797 survenaient des hémorragies mettant sa vie en danger ; il rentrait, mortellement atteint, à la maison paternelle et y mourait après des souffrances terribles, le 14 avril, moins d’un mois après Sophie.

Rien de plus explicable, après ces chocs répétés, que l’état d’ébranlement physique et moral où se trouve Hardenberg lorsque, au lendemain de la mort de sa fiancée, il se rend, à Tennstedt, dans l’intérieur cordial et hospitalier du bailli Just, pour y chercher le calme, l’apaisement et l’équilibre intérieur. Et l’on comprend aussi la mélancolie profonde qui s’empare de lui, lorsqu’il se retrouve « dans ces lieux jadis témoins de sa félicité » et qui le pousse vers Grüningen,