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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

sourdre en lui le flot régénérateur de la Mort et patiente, plein de vaillance, parmi les orages de la vie.

Cette rédemption qu’attend Novalis, n’est pas, dans son idée, une simple rêverie métaphysique, mais bien la rédemption promise par le Christ. Le « royaume de la Nuit », le « règne de l’Éternité » où il aspire, ne sont autre chose que le royaume de Dieu, la vie en Dieu qu’enseigne le christianisme.

Jadis, expose le cinquième Hymne, l’Humanité, au temps de sa radieuse jeunesse, ne connaissait pas autre chose que ce monde des apparences et elle avait su en faire un véritable paradis. « Infinie était la Terre, séjour et patrie des Dieux, féconde en trésors et en splendides merveilles. De toute éternité se dressait son mystérieux édifice. Par delà les montagnes azurées du Levant, dans les très saintes profondeurs de l’Océan, habitait le Soleil, la lumière vivante et vivifiante ; un vieux géant portait le monde bienheureux ; captifs, ensevelis sous des montagnes gisaient les premiers fils de la Terre nourricière — impuissants dans leur rage de destruction, dans leur vaine fureur, contre la nouvelle et splendide race des Dieux et contre les Hommes joyeux et amis des Dieux ; les profondeurs sombres et azurées de la mer étaient le sein d’une déesse ; des troupes célestes habitaient, en une voluptueuse félicité, au fond des grottes de