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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

cristal ; — les fleuves et les arbres, les fleurs et les bêtes étaient pareils à l’homme ; le vin semblait plus doux, puisqu’un dieu dans la fleur de la jeunesse l’avait donné aux mortels ; les lourdes gerbes du blé d’or étaient un présent divin, les ivresses de l’amour le culte sacré de la céleste Beauté. Et ainsi la vie était une fête éternelle pour l’Homme et les Dieux… » Sous le beau ciel pur de l’Hellade s’épanouit comme une radieuse fleur de beauté le culte de la Lumière et de la Vie. — Seule la pensée de la Mort, implacable et invincible, vient troubler parfois la félicité de cette race élue. En vain s’efforcet-on de parer de beauté cette vision importune et de représenter la Mort sous les traits d’un pâle adolescent tenant à la main un flambeau éteint. L’énigme de la mort, de la Nuit éternelle demeure indéchiffrée ; elle reste à l’horizon de la pensée humaine « comme le signe solennel d’une puissance lointaine ».

Le monde antique, cependant, touche à sa fin. Le paradis de l’enfance du genre humain se flétrit. Un froid vent du Nord souffle à travers l’univers désenchanté. Les Olympiens, impuissants à expliquer le mystère de la mort, disparaissent de la scène du monde. Et voici que, du sein d’un peuple méprisé de toutes les nations, dans la pauvreté d’une humble cabane, surgit le Monde nouveau, le Sauveur, qui apporte aux hommes la religion de la