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LE RETOUR À LA VIE

cueillir des fleurs, le soir, sur le tombeau de sa bien-aimée. Un jour même, il s’est élevé, nous l’avons vu, presque jusqu’à l’extase. Mais ces instants de triomphe et d’exaltation sont rares et passagers. D’ordinaire ce sont des défaites que relate le Journal. Novalis s’accuse de rester tiède ou froid quand il pense à Sophie ou à Erasme. Il se plaint de ne pouvoir suffisamment se familiariser avec sa résolution : « Si ferme qu’elle soit, écrit-il, je me défie, parce qu’elle m’apparaît dans le lointain d’un avenir indéterminé, comme un événement qui ne me concerne presque pas ». Il se reproche de songer avec angoisse à la possibilité d’une longue et grave maladie. Il se plaint qu’il retombe trop aisément des hauteurs de son idéalisme dans des dispositions humaines trop humaines. « Hélas ! soupire-t-il ; pourquoi suis-je si peu capable de demeurer sur les cimes ! » Il voulait, en vertu de sa résolution, se prêter au monde mais ne plus se donner à lui. Or il constate avec chagrin qu’il est trop bavard, qu’il aime trop à discuter, qu’il se mêle avec trop de vivacité et d’entrain aux conversations. Il s’aperçoit avec plus d’humiliation encore, qu’il n’est pas indifférent aux petites jouissances de la vie. Dès le 34e jour il note qu’il a trop mangé, et cet aveu revient souvent sous sa plume ! Ce n’est pas tout. Il aime trop à savourer son café au jardin après déjeuner. Un autre jour il se surprend à