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LE RETOUR À LA VIE

songer sans déplaisir à la grande brioche qu’on a mise au four à la maison !… Enfin et surtout il est tourmenté par des pensées charnelles. Nous avons constaté déjà que Hardenberg n’était pas un pur esprit, qu’il était doué d’un tempérament fortement sensuel. Or c’est un fait bien connu des médecins que la phtisie aggrave ces dispositions. Novalis s’en rendait compte avec remords. Il notait presqu’à chaque page de son journal ses accès de sensualité, de Lüsternheit, humilié de voir que sa volonté ne pouvait le soustraire aux misères physiologiques de son corps malade et que les fatalités de son organisme de neurasthénique et de poitrinaire provoquaient en lui, malgré l’opposition de sa volonté consciente, l’association bien connue des pensées de mort, des idées mystiques et des représentations voluptueuses ! — N’y a-t-il pas je ne sais quelle mélancolique ironie du sort dans la destinée de cet idéaliste qui croyait à l’omnipotence de la volonté, qui rêvait de la domination absolue de l’homme sur son corps et sur la matière — et dont la grande « résolution » était tenue en échec par les hasards les plus fortuits, par les misères trop humaines de notre condition terrestre.

II

La vie ressaisit donc notre mystique quoiqu’il en eût, et il se laissa reprendre par elle en toute sim-