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LES SOURCES DE LA PENSÉE DE NOVALIS

La critique se demandait autrefois si dans un pareil système il y avait encore place pour les dogmes chrétiens. Il semblait que, dans ce processus éternel en vertu duquel Dieu se réalisait par l’univers et, dans l’univers, se retrouvait lui-même, il ne dût y avoir place, en bonne logique, que pour une seule réalité : Dieu en son double mouvement d’expansion vers le multiple et de rétraction vers l’unité. Et l’on en inférait qu’un mystique comme Eckart pouvait être à bon droit regardé comme un pur panthéiste, héritier des néo-platoniciens, de Plotin, de Denys de l’Aréopage et de Scot Eriugène, comme un adversaire décidé de saint Thomas et de la scolastique, comme un penseur entièrement indépendant, affranchi de toute tradition historique, émancipé de toute autorité extérieure, pour qui nulle vérité révélée ne peut pénétrer du dehors dans l’âme, pour qui le dogme chrétien n’est que symbole, pour qui la spéculation philosophique se substitue à la religion, la raison à la révélation, — en un mot comme un précurseur de la Réforme et du subjectivisme religieux, comme un ancêtre du monisme idéaliste moderne.

Cette interprétation, aujourd’hui vivement contestée, a perdu beaucoup de terrain ces derniers temps, non seulement parmi les savants catholiques mais aussi chez les critiques protestants et indépendants. On reconnaît aujourd’hui qu’il est im-