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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/169

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LESAGE.

à tiroirs ou les magistrales peintures de Crispin rival et de Turcaret il prenne toutes ses aises pour faire défiler la rue entière sur la scène, à la faveur du pêle-mêle traditionnel du théâtre forain ; qu’il passe des énumérations rapides du Diable boiteux aux dénombrements épiques de l’élastique roman de Gil Blas, il n’a visiblement qu’un but, qui est de varier les cadres de son ample mais unique peinture. Et s’il quitta la scène de Molière pour les tréteaux des forains, on peut affirmer que, ses autres griefs mis à part, il y fut déterminé par la multitude des cadres tout faits que lui offraient à remplir ces héritiers de la comédie italienne.

Mais les détails de ses œuvres sont aussi subordonnés que la conception générale de chacune d’elles, à ce dessein de peindre la vie de son temps et aussi l’homme de tous les temps. Sans nous arrêter aux œuvres ou aux opuscules comme le Diable boiteux ou la Valise trouvée qui ne sont, à proprement parler, que des ouvrages à tiroirs, dont les chapitres s’étirent comme des tubes de lorgnettes, que de scènes de Crispin rival et de Turcaret, que de pages du Gil Blas où Lesage suspend l’action ou la narration pour faire défiler des types et des mœurs qui sont étrangers à l’une et à l’autre, pour montrer la lanterne magique en un mot ! Qu’on se rappelle la scène de Crispin rival, qui fit école, où La Branche cherchant dans sa poche une lettre que lui demande M. Oronte, en tire plusieurs autres dont les suscriptions donnent matière à des satires de diverses professions ; et cette