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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/200

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SA POSTÉRITÉ LITTÉRAIRE.

tieux et caustique Crispin ? Et de quel autre descendant le père de Gil Blas eût-il été plus fier ?

Il n’eût pas désavoué non plus tous ceux que notre siècle allait lui donner. L’effrayant Gaudet de Restif de la Bretonne n’est qu’un Rolando qui aurait lu pêle-mêle l’Émile, Jacques le Fataliste et l’infâme Histoire de dom B***, pour en farcir cette cynique tirade du livre III, où il découvre à Gil Blas le fond de son âme. Et son Edouard est un Gil Blas qui se laisserait persuader par ce brigand ainsi perverti, si on peut dire. On reconnaîtra ensuite la même paire d’aventuriers, un peu moins cyniques, mais tout aussi redoutables, dans le Vautrin et le Rastignac de la Comédie humaine, cette transcription romantique du roman de Gil Blas. Dès lors tous deux font école, Rastignac surtout. Les voilà encore très reconnaissables dans la caricature minuscule qu’en fait l’ironique auteur de l’Éducation sentimentale. Deslauriers conseille à Frédéric de devenir l’amant de la riche Mme Dambreuse, et comme l’autre se récrie : « Mais je te dis là des choses classiques, il me semble ? Rappelle-toi Rastignac dans la Comédie humaine ! » Deslauriers a raison, c’est classique : demandez plutôt à Montpavon et à tous nos modernes « professeurs de débauche », comme les appelait notre auteur, et à leurs élèves, les petits féroces, les struggleforlifers, les Fauchery et les Paul Astier, dont nous avons vu de si authentiques prototypes un peu partout, dans l’œuvre de Lesage, depuis les petits -maîtres du Gil Blas jusqu’aux « enfants de