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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/201

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LESAGE.

la joie » du Beauchêne. Mais que n’y a-t-il pas dans les romans de Lesage ? N’y trouve-t-on pas jusqu’à la Famille Cardinal, et n’y est-elle pas peinte, deux fois au moins, dans le Gil Blas et dans le Bachelier, avec une naïveté narquoise qui est frappée au même coin que celle de son moderne historiographe ? Et de fait, quels sont — les ouvriers et les paysans exceptés — les types de nos romans de mœurs, plus ou moins réalistes, dont on ne puisse montrer des ancêtres authentiques dans le Gil Blas et, au besoin, dans le Diable boiteux, le Bachelier, Beauchêne ou Estévanille Gonzalez ?

Et que d’évidentes conformités entre la conception de l’art chez l’auteur du Gil Blas et chez tous ceux de nos romanciers qui se sont piqués de mettre en œuvre a des documents humains », des « canevas de traits remarquables » comme en demandait Restif de la Bretonne à ses correspondants mondains ! Ces conformités sautent aux yeux, dès le fatras des préfaces où Restif se déclare simplement « l’historien de ses personnages », et dans l’énorme fumier de ses romans, où l’on trouve çà et là des perles, comme les lettres de Fanchon, avec une sorte de caricature des petits défauts et des grandes qualités de tout le réalisme de Lesage ; dans le Paysan perverti par exemple, cette imitation pessimiste du Paysan parvenu, lequel était lui-même une imitation un peu optimiste de ce Gil Blas qui est si près d’être adéquat à la vie. D’ailleurs, à l’exemple de son illustre devancier, Restif était allé d’instinct retremper son réa-