Aller au contenu

Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
LESAGE.

qui dit : « Les affaires, c’est bien simple, c’est l’argent des autres », a tout l’esprit de Frontin, celui qui manquait à Turcaret. C’est que la « routine » dont ce dernier entretient Frontin confidentiellement ne suffirait plus en affaires.

Mais que lui manque-t-il donc à Frontin-Turcaret ? La considération, la vraie, l’estime publique, celle que les Deux Mondes refusaient hier encore à un « roi de l’or », et non celle qui ouvre les salons d’une clientèle aussi besogneuse que titrée à M. Simonnet. « On ne l’achète pas, on l’obtient », disait noblement un personnage de la Considération ; nos Turcarets sont d’un autre avis. Les uns ont là-dessus un cynisme effronté, comme Vernouillet ou Jean Giraud, d’autres un cynisme candide, comme le Roussel de Ceinture dorée qui constate, avec étonnement, que cette considération dont il est avide « se dérobe sous lui ». On l’étonné même beaucoup en lui disant qu’on attaque l’origine de sa fortune : « C’est bien vague », répond-il. Il a perdu jusqu’à la conscience de ses voleries ; du moins, en cas pareil, le Millioni de Lesage répondait : « Nos richesses nous ressemblent, elles sont sans origine ». Donc, pour achever le règne de Frontin sur la scène, il lui faut la considération, comme aux parvenus de jadis il fallait un blason. La savonnette à vilain sera ici la vieille honnêteté d’une famille où il s’introduira par ruse ou par force. Jean Giraud de la Question d’argent, Valette du Duc Job ont été repoussés, mais patience ! « L’argent est la seule puissance qu’on ne discute