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Page:Lintilhac - Lesage, 1893.djvu/209

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LESAGE.

fille, qui allait s’installer bientôt sur le trône même. Dans cette baronne au douaire douteux qui plume M. Turcaret, et dans ce chevalier de lansquenet qui fait mine de l’y aider, et ne vise qu’à tirer pied ou aile de sa complice, l’Aventurière, la baronne d’Ange et Monsieur Alphonse peuvent saluer leurs ancêtres.

Enfin une dernière curiosité de Turcaret, et non la moindre, est dans les analogies frappantes qu’offre la constitution de cette pièce avec la poétique du théâtre réaliste de nos jours. On sait avec quel sans-gène ces hardis novateurs hachent menu leur action, à coups de rideau, pour ainsi dire, remplaçant les actes traditionnels par une quantité de scènes cloisonnées ; combien ils se préoccupent de l’entière réalité des décors, du langage et des mœurs, ne reculant ni devant l’argot ni devant l’ordure ; combien peu ils se soucient de prendre parti dans la pièce, sous le masque d’un personnage toujours raisonnable ou nettement sympathique ; quel soin ils ont de conserver à chacun de leurs héros une individualité concrète, bien définie par son tempérament physiologique et psychologique, et par toutes les caractéristiques de sa condition sociale ; comment enfin ils se croient quittes envers l’art et envers le public, quand ils ont réussi à mettre en scène « des croquades de mœurs », selon l’expression des auteurs de Germinie Lacerteux, ou, comme on a dit depuis eux, « des tranches de vie ». Eh bien, n’y a-t-il pas un peu de tout cela en germe dans Turcaret ? N’avons-nous pas eu à faire des remar-