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THUCYDIDE, LIV. VI.

tuelle. D’après ce que j’entends dire, les villes que nous allons attaquer sont puissantes ; indépendantes les unes des autres, elles n’ont pas besoin de ces révolutions où l’on se précipite volontiers pour passer d’un dur esclavage à une condition meilleure. Nombreuses pour une seule île, helléniques la plupart, elles ne préféreront certainement pas notre domination à leur liberté. Si j’en excepte Naxos et Catane, qui, j’espère, se joindront à nous, à cause des liens de consanguinité qui les unissent aux Léontins, il en est sept autres principalement dont l’état militaire est, à tous égards, aussi respectable que le nôtre, et parmi elles Sélinonte, et Syracuses que menacent particulièrement nos armes. Elles sont bien pourvues d’hoplites, d’archers, de gens de trait, de navires et d’équipages ; elles ont des richesses dans les mains des particuliers, et des trésors déposés dans les hiérons des Sélinontins : Syracuses reçoit même de divers peuples barbares des contributions en nature ; et, ce qui procure à ces villes un grand avantage, elles ont une forte cavalerie, et du grain qu’elles recueillent dans le pays sans avoir besoin d’en tirer du dehors.

Chap. 21. » Contre une telle puissance ce n’est pas assez de forces navales ordinaires, il faut encore que nous transportions avec nous une formidable infanterie, si du moins nous voulons faire quelque chose qui réponde à la grandeur de nos projets, et ne pas voir une forte cavalerie rendre notre descente impossible ; précaution de rigueur, surtout si les villes effrayées se liguent, et si les Égestains, nos uniques alliés, sont seuls disposés à nous fournir une cavalerie qui nous seconde. Ce serait une honte d’être contraints à nous retirer, ou de nous voir réduits à mander de nouvelles troupes, pour n’avoir pas pris d’abord de sages mesures. Partons d’ici avec un puissant appareil, n’ignorant pas que nous allons naviguer loin de notre patrie, et que nous ne combattrons point avec les mêmes avantages qu’ici ; qu’enfin nous n’allons pas, en qualité d’alliés, dans un pays de notre dépendance, où nous puissions aisément recevoir de l’amitié les secours nécessaires, mais dans une contrée étrangère, et d’où, pendant quatre mois de mauvaise saison, il est difficile de faire parvenir des nouvelles.

Chap. 22. » Je crois donc que nous devons emmener un grand nombre d’hoplites, athéniens, alliés, sujets, et tâcher même d’en attirer du Péloponnèse, soit par la persuasion, soit par l’appât d’une solde. Il nous faut aussi beaucoup d’archers et de frondeurs, pour résister à la cavalerie ennemie, et une grande quantité de vaisseaux, pour transporter aisément toutes nos provisions. Il faudra encore emporter d’ici, sur des bâtimens de charge, du froment et de l’orge grillée, et des boulangers soudoyés, pris dans chaque moulin en proportion du nombre qu’il en emploie, afin que l’armée ne manque pas de subsistances s’il survient impossibilité de naviguer ; car toute ville ne sera pas en état d’entretenir des troupes si nombreuses. Soyons de même, autant que possible, pourvus de tout le reste, et ne comptons pas sur autrui. Mais surtout emportons beaucoup d’argent : car ces richesses des Égestains qui, dit-on, nous attendent, croyez qu’elles ne sont prêtes qu’en paroles.

Chap. 23. » Si nous arrivons non seulement avec des forces égales, mais avec une supériorité marquée à tous égards, leurs belliqueux hoplites exceptés, peut-être alors pourrons-nous, non pas toutefois sans de grandes difficultés, vaincre nos ennemis et sauver nos amis. Songez que nous partons dans le dessein d’occu-

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