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XÉNOPHON, LIV. II.

raux, Proxène de Béotie, Menon de Thessalie, Agias Arcadien, Cléarque Lacédémonien et Socrate d’Achaïe. Les chefs de lochos restèrent à la porte. Peu de temps après, au même signal, on arrêta les généraux qui étaient entrés, et on fit main-basse sur tout ce qui se trouvait de Grecs en dehors. Ensuite quelque cavalerie barbare se dispersant dans la plaine, passa au fil de l’épée tout ce qu’elle trouva de Grecs indistinctement hommes libres et esclaves. Les Grecs, qui l’aperçurent de leur camp, s’étonnèrent de cette excursion, et ne concevaient pas ce que ces cavaliers pourraient faire. Mais enfin Nicarque Arcadien arriva. Il avait pris la fuite, quoique blessé au ventre et tenant ses entrailles dans ses mains : il raconta tout ce qui s’était passé. Aussitôt les Grecs coururent aux armes, frappés de terreur, et présumant que leur camp allait être à l’instant assailli par les Barbares ; mais l’armée entière de Tissapherne n’y marcha pas. Il ne vint qu’Ariée, Artaèze et Mithradate qui avaient été les plus intimes amis de Cyrus. L’interprète des Grecs dit qu’il voyait aussi parmi ces Barbares le frère de Tissapherne, et qu’il le reconnaissait bien. Ils étaient escortés d’environ trois cents Perses cuirassés. Quand ils furent près du camp, ils demandèrent que quelque général ou un chef de lochos s’avançât pour qu’ils lui annonçassent les intentions du roi. Cléanor d’Orchomène et Sophrénète de Stymphale sortirent du camp avec précaution. Xénophon Athénien les suivit pour apprendre des nouvelles de Proxène. Chirisophe se trouvait absent pour lors, ayant été avec d’autres Grecs chercher des vivres dans un village. Quand on fut à portée de s’entendre, Ariée dit : « Grecs, Cléarque ayant été convaincu de violer ses sermons et de transgresser le traité, a reçu la peine qui lui était due : il n’est plus. Proxène et Menon, qui ont dénoncé sa perfidie, reçoivent de grands honneurs. Quant à vous, le roi vous demande vos armes, et prétend qu’elles lui appartiennent, puisque vous les portiez pour Cyrus son esclave. »

Les Grecs lui répondirent, Cléanor d’Orchomène portant la parole : « Ô le plus méchant des hommes, Ariée ! Ô vous tous qui étiez dans l’intimité de Cyrus ! pouvez-vous lever les yeux sans rougir vers les Dieux ou sur les hommes ; vous qui ayant juré d’avoir les mêmes amis et les mêmes ennemis que nous, avez depuis machiné notre perte avec Tissapherne, le plus impie et le plus scélérat des mortels ; avez égorgé les généraux mêmes qui avaient reçu votre serment, et nous ayant tous trahis, marchez contre nous avec nos ennemis ? » Ariée, répliqua : « Cléarque avait déjà été convaincu de tendre des embûches à Tissapherne, à Orontas et à nous tous qui les accompagnons. — Cléarque, donc, reprit Xénophon, a été justement puni d’avoir violé le traité, malgré ses sermens ; car il est juste que les parjures périssent. Mais Proxène et Menon, puisque vous avez à vous louer d’eux et qu’ils sont nos généraux, renvoyez-les nous. Également bien intentionnés pour vous et pour nous, il est évident qu’ils ne tâcheront de nous inspirer que les desseins les plus avantageux aux deux armées. » Les Barbares ayant long-temps conféré ensemble sur cette réponse, se retirèrent sans en avoir rendu aucune.

Les généraux qu’on avait ainsi arrêtés furent menés à Artaxerxès : ce roi leur fit couper la tête. Telle fut leur fin. Cléarque, l’un d’eux, de l’avis de tous ceux qui l’ont intimement connu, passait pour avoir au plus haut degré les