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sie, leur armée, leur pays, leur capitale.

On ne peut s’empêcher de remarquer aussi qu’il aurait fallu d’autres ressorts que ceux de l’éloquence pour faire mouvoir un gouvernement comme celui d’Athènes. Il s’agissait de savoir si l’on devait ou non déclarer la guerre aux Macédoniens : or, on ne voit pas trop que la solution de ce problème dût se trouver dans les Philippiques de Démosthène, qui même avoua depuis s’être trompé dans ses conjectures. Voici la cause qu’il allègue de son erreur.

« Ce qui fait notre faiblesse, dit-il, c’est que nous délibérons en plein air. Toute la Grèce sait d’avance ce que nous ferons, comme elle connaît les projets que nous avons résolu de ne pas suivre. Il n’y a ni mystère, ni secret à Athènes ; mais on y trouve deux caisses de finances, l’une, destinée aux dépenses théâtrales, assez bien pourvue ; l’autre, créée pour subvenir aux frais de la guerre, qui s’emplit presqu’aussi difficilement que l’urne des filles de Danaüs. Philippe de Macédoine, au contraire, est lui-même son trésorier, son général et son conseiller. Ses artifices deviennent infinis ; ses desseins sont impénétrables ; sa célérité tient du prodige ; et l’on voit tout-à-coup son armée campée aux portes de nos villes, sans qu’un seul de nous ait été instruit de ses mouvemens. »

La véritable cause du mauvais succès de cette campagne ne provient nullement de la lenteur des Athéniens, puisque Philippe lui-même fut étonné de la promptitude avec laquelle ils avaient mis tant de troupes en état de combattre. Les Athéniens paraissent bien plutôt s’être trop pressés pour livrer la bataille de Chéronée. Au lieu d’adopter les illusions politiques de Démosthène et de lutter imprudemment contre l’infanterie macédonienne, dont ils ne connaissaient ni l’ordonnance ni l’armure, ils auraient dû se tenir sur le penchant du mont Parnès, afin d’en défendre les défilés qui du côté de l’Asopus, dit Xénophon, sont presque impénétrables. Plus ils s’engageaient dans les plaines de la Béotie, plus ils augmentaient la force de la phalange macédonienne. Elle ne combattait jamais mieux qu’en rase campagne, tandis qu’un pays hérissé comme le nord de l’Attique, offrait de grands obstacles au développement de ses manœuvres, et pouvait l’arrêter long-temps. Rome fut sauvée par un général qui eut l’art de ne point livrer de bataille.

On prétend que dans les premiers momens où Philippe manifesta le projet d’asservir la Grèce, on essaya de l’en détourner en dirigeant son ambition vers l’Asie. On lui représenta, dit-on, combien il était humiliant que cette partie du monde fût plus florissante que l’Europe ; que les barbares surpassassent les Grecs en opulence ; que les successeurs d’un homme tel que Cyrus, exposé en naissant par sa mère, fussent appelés les grands rois ; tandis que lui, descendant d’Hercule, portait un titre moins fastueux. Philippe pouvait bien faire semblant de prêter l’oreille à ces insinuations ridicules ; mais il fallait des motifs moins frivoles pour exciter son ambition.

« Il est facile à un homme d’un esprit ordinaire, dit Polybe, d’apercevoir quelles ont été les véritables causes de la guerre contre les Perses. La première de ces causes fut le retour des Grecs sous la conduite de Xénophon. Revenant par les satrapies de la haute Asie, et traversant un pays ennemi, ils ne trouvèrent point d’adversaires dignes d’eux, ou qui pussent s’opposer à leur retraite. La seconde cause fut le passage d’Agésilas, roi de Lacédémone (avec un corps de six

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