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XÉNOPHON, LIV. IV.

hommes qui se tiendraient debout derrière ces arbres. Il ne restera donc plus qu’un demi-plèthre environ qu’il faudra traverser à la course dès que l’ennemi prendra un moment de repos. — Mais, répliqua Chirisophe, aussitôt que nous nous mettrons en marche pour gagner ce bois clair, une grêle de pierre tombera sur nous. — Tant mieux, dit Xénophon, les Barbares consommeront certainement d’autant plus vite les magasins qu’ils en ont faits. Mais portons-nous à l’endroit d’où nous aurons moins à courir, si nous pouvons monter a l’assaut, et d’où notre retraite sera la plus facile, si nous sommes réduits à prendre ce parti. »

Alors Chirisophe et Xénophon s’avancèrent avec Callimaque Parrhasien, celui des chefs de lochos de l’arrière-garde qui était de jour : les autres restèrent dans le terrain où il n’y avait rien à craindre. Ensuite environ soixante-dix hommes se portèrent derrière les arbres, non en troupe, mais un à un, chacun prenant garde à soi le mieux qu’il pouvait. Agasias de Stymphale et Aristonyme de Méthydrie, qui étaient aussi chefs de lochos de l’arrière-garde, et d’autres Grecs se tenaient debout hors de l’espace planté ; car les arbres ne pouvaient mettre à couvert qu’un lochos. Callimaque alors invente un stratagème ; il courait à deux ou trois pas de son arbre et se retirait promptement derrière dès qu’on lançait des pierres. Chaque fois qu’il répétait cette manœuvre, les ennemis en jetaient plus du dix charretées. Agasias voyait ce que faisait Callimaque. Il observait que toute l’armée avait les yeux tournés sur ce chef, et craignait qu’il ne courût le premier au poste des ennemis et qu’il n’y entrât ; il y court lui-même et devance tous les Grecs, n’appelant ni Aristonyme, qui était près de lui, ni Euryloque de Lusie, quoiqu’ils fussent tous deux ses amis, ni aucun autre Grec. Callimaque le voyant passer, l’arrête par le bord de son bouclier : alors Aristonyme de Méthydrie les devance tous deux, et après lui Euryloque. Tous ces Grecs étaient rivaux de gloire, cherchaient sans cesse à se distinguer, et c’est ainsi qu’à l’envi l’un de l’autre ils prirent le poste ; car dès qu’un d’eux y fut entré, les Barbares ne jetèrent plus de pierres.

On y vit un spectacle affreux. Les femmes jetaient leurs enfans du haut du rocher et se précipitaient ensuite : les hommes en faisaient autant. Ænée de Stymphale, chef de lochos, aperçut un Barbare qui courait pour se précipiter et qui avait un habit magnifique. Il le saisit pour l’en empêcher ; le Barbare l’entraîne : tous deux tombent de rochers en rochers au fond d’un abîme, et périssent ainsi. On ne fit que peu de prisonniers, mais on trouva beaucoup de bœufs, d’ânes et de menu bétail.

On lit ensuite cinquante parasanges en sept jours, à travers le pays des Chalybes. C’était le peuple le plus belliqueux qu’eût trouvé l’armée sur son passage ; il croisait la pique avec les Grecs. Les Chalybes portaient des corselets de toile piquée qui leur descendaient jusqu’à la hanche ; au lieu de basques, beaucoup de cordes tortillées tombaient du bas de ces corselets. Ces Barbares avaient des casques, des grévières, et portaient à la ceinture un petit sabre qui n’était pas plus long que ceux des Lacédémoniens ; avec cette arme, ils égorgeaient les prisonniers qu’ils pouvaient faire, leur coupaient la tête et l’emportaient en s’en allant. Ils chantaient, ils dansaient, dès qu’ils pouvaient être vus de l’ennemi ; ils portaient aussi une pique longue d’environ quinze coudées, et armée d’une seule pointe de fer. Ils se tenaient dans