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XÉNOPHON, LIV. V.

vait les hoplites d’y entrer ; car d’autres ennemis paraissaient sur des hauteurs fortifiées. Peu de temps après on entendit dans la ville de grands cris : les Grecs fuyaient, les uns avec le butin qu’ils avaient pris, quelques autres blessés ; et on se poussait beaucoup à la porte. On interrogea ceux qui sortaient ; ils répondirent qu’il existait dans la place un fort d’où les ennemis avaient fait une sortie et blessé beaucoup de monde.

Xénophon fit publier par le héraut Tolmidès que ceux qui voudraient avoir part au butin entrassent dans la place. Beaucoup de Grecs s’y portèrent, et ayant pénétré à grand’peine à cause de la foule, repoussèrent enfin l’ennemi et le renfermèrent encore une fois dans la citadelle ; tout le reste de l’enceinte fut mis au pillage, et l’armée emportait ce qu’elle avait pris. Les hoplites se tenaient en armes le plus près de la palissade, les autres dans la rue qui menait à la citadelle. Xénophon et les chefs de lochos allèrent reconnaître si l’on pouvait s’en emparer : c’était un moyen d’assurer la retraite qui paraissait très périlleuse tant que l’ennemi occuperait ce poste. Ils eurent beau observer, ils le jugèrent absolument imprenable. On se prépara enfin à revenir sur ses pas. Les soldats arrachèrent chacun devant soi les pieux de la palissade ; on envoya au butin les hommes inutiles et la plus grande partie des hoplites ; les chefs de lochos ne firent rester sous les armes que les soldats en qui ils avaient le plus de confiance.

Des qu’on commença à reculer, beaucoup de Barbares firent une sortie. Ils portaient des boucliers à la perse, des lances, des grévières et des casques semblables à ceux des Paphlagoniens ; il y eut d’autres ennemi qui montèrent sur les maisons des deux côtés de la rue, en sorte qu’il n’y avait pas de sûreté à les poursuivre jusqu’aux portes de la citadelle, car ils lançaient de grosses bûches du haut des maisons. On ne pouvait ni rester dans la place, ni s’en retirer ; la nuit allait survenir et ajoutait à la terreur des Grecs. Tandis qu’ils combattent et ne savent comment se tirer d’affaire, un Dieu sans doute leur présente le moyen de se sauver. Tout-à-coup une des maisons de la droite s’enflamma sans qu’on sût qui y avait mis le feu ; aussitôt qu’elle s’écroula, tous les Barbares quittèrent ce rang de maisons et prirent la fuite. Xénophon profita de la leçon que le hasard lui donnait, et fit mettre le feu à celles qui étaient sur la gauche ; elles étaient construites de bois et s’enflammèrent bien vite. Les Barbares qui les occupaient prirent la fuite à leur tour ; les Grecs n’étaient plus inquiétés que par ceux qui barraient en face d’eux la largeur de la rue. Il était évident qu’on en serait attaqué à la sortie de la ville et à la descente du fossé. Xénophon ordonna alors à tous les soldats qui se trouvaient hors de la portée du trait d’amasser du bois et de le jeter entre le front de l’armée et celui de l’ennemi. Quand il y en eut assez d’entassé, on l’alluma ; on mit aussi le feu aux maisons situées près du fossé pour donner de l’occupation à l’ennemi : c’est ainsi que les Grecs se retirèrent à grand’peine de la place, ayant mis le feu pour barrière entre eux et les Barbares. Ville, maisons, tours, palissades, tout fut brûlé, excepté la citadelle.

Le lendemain, les Grecs continuèrent leur retraite avec les vivres qu’ils avaient pris ; comme ils craignaient le défilé étroit et escarpé par où l’on descendait de la place vers Trébizonde, ils feignirent de tendre une embuscade. Un Mysien, qui, portait pour nom de guerre celui de sa patrie, prit avec lui quatre ou cinq Crétois, resta dans un lieu fourré et fit semblant de vouloir s’y cacher.