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XÉNOPHON, LIV. V.

Les boucliers de ces armés à la légère étaient garnis d’airain, et on les apercevait reluire en différens endroits. Les Barbares en furent frappés et craignirent de tomber dans une embuscade ; l’armée descendait cependant. Quand le Mysien la crut assez éloignée, il fit signe à sa petite troupe de prendre la fuite à toutes jambes ; lui-même s’enfuit avec eux. Les Crétois, qui craignaient d’être joints à la course, quittèrent le chemin et se sauvèrent en se précipitant à travers le bois. Le Mysien suivit la route et criait en fuyant qu’on vînt le secourir. Il accourut à son secours des Grecs qui le reçurent blessé par l’ennemi ; puis ils se retirèrent par le pas en arrière pour se garantir des traits que lançaient les Barbares. Quelques Crétois tirèrent aussi des flèches à l’ennemi, et le tout rejoignit l’armée au camp sans avoir perdu un seul homme.

Chirisophe n’arrivait point ; on n’avait pas rassemblé assez de bâtimens pour transporter toute l’armée, et elle ne trouvait plus de vivres à enlever. On jugea qu’il fallait quitter le pays ; on embarqua les malades, les soldats âgés de plus de quarante ans, les enfans, les femmes, et tous les équipages dont on pouvait se passer, avec Philésius et Sophénète, les plus âgés des généraux, aux soins desquels on commit ce qui montait sur les vaisseaux. Le reste de l’armée se mit en route. Les marches étaient ouvertes et les chemins réparés ; elle arriva ainsi par terre en trois jours à Cérasunte, ville grecque, colonie des Sinopéens, et située sur le bord de la mer dans la Colchide. On y séjourna trois jours et l’on y fit la revue et le dénombrement des hoplites sous les armes ; de plus de dix mille il n’en restait en vie que huit mille six cents : les ennemis, la neige et les maladies avaient fait périr le reste. On partagea alors l’argent provenant de la vente des prisonniers ; on préleva le dixième pour Apollon et pour Diane Éphésienne ; les généraux divisèrent cette portion des Dieux, et chacun d’eux se chargea d’en garder une partie pour la leur offrir. Néon d’Asinée reçut au nom de Chirisophe celle qui devait être remise à ce général.

Xénophon ayant fait faire une offrande pour Apollon, la consacra à Delphes dans le trésor des Athéniens, et y fit inscrire son nom et celui de Proxène son hôte qui avait été mis à mort avec Cléarque. Quant à la portion de Diane, lorsqu’il revint d’Asie avec Agésilas, il la laissa à Mégabyze, prêtre de cette déesse ; car marchant avec Agésilas vers la Béotie où se donna la bataille de Coronée, Xénophon prévoyait qu’il y courrait de grands dangers. Il recommanda à Mégabyze de ne rendre ce dépôt qu’à lui-même s’il survivait au combat ; mais s’il y succombait, de faire faire ce qu’il croirait être de plus agréable à Diane et de le lui consacrer. Xénophon ayant été depuis banni de sa patrie et habitant alors Scilunte, ville bâtie par les Lacédémoniens dans les environs d’Olympie, Mégabyze vint voir les jeux olympiques et lui rendit son dépôt. Xénophon consulta les oracles, et dans le lieu indiqué par les Dieux, il acheta un territoire qu’il consacra à Diane ; ce territoire se trouva précisément traversé par le fleuve Sellenus. Un autre fleuve du même nom coule en Asie près du temple de Diane à Éphèse ; tous les deux sont poissonneux ; on trouve dans tous les deux des coquillages. Dans le domaine acquis pour cette déesse près de Scilunte, on chasse du gibier de toute espèce. Des fonds consacrés à Diane, Xénophon lui éleva encore un temple et un autel ; tous les ans ce général employait la dixième partie des fruits que produisaient ses terres, à faire un sacrifice pompeux. Tous les