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XÉNOPHON, LIV. V.

citoyens, tous les habitans du voisinage, hommes et femmes, prenaient part à la fête. Le domaine de la déesse fournissait aux assistans de la farine d’orge, du pain, du vin, des fruits secs ; on leur distribuait une portion des victimes engraissées dans les pâturages sacrés et du gibier, car les fils de Xénophon et des autres citoyens faisaient une grande chasse pour cette fête ; ceux qui voulaient chasser avec eux y étaient admis. On prenait, soit sur le domaine consacré à Diane, soit sur celui de Pholoé, des sangliers, des chevreuils et des cerfs ; ce lieu est situé à vingt stades environ du temple de Jupiter à Olympie, sur le chemin de cette ville à Sparte. Dans l’enceinte consacrée à Diane sont des bois, et des montagnes couvertes d’arbres, où l’on peut élever des porcs, des chèvres, des brebis et des chevaux : les équipages de ceux qui venaient à la fête y étaient donc abondamment nourris. Autour du temple même on a planté un verger d’arbres fruitiers qui donnent toute sorte d’excellens fruits dans la saison. Le temple ressemble en petit à celui d’Éphèse ; la statue de la déesse dans l’un a été faite d’après celle qui est dans l’autre ; mais celle de Scilunte est de bois de cyprès, et celle d’Éphèse d’or massif. On a élevé près du temple une colonne avec cette inscription : Ce territoire est consacré à Diane. Que celui qui l’occupera et en recueillera les fruits en prélève annuellement le dixième pour un sacrifice, et emploie le reste à entretenir le temple : s’il le néglige, la déesse en tirera vengeance.

Les Grecs qui étaient venus par mer à Cérasunte en partirent de même : on fit marcher par terre le reste de l’armée. Arrivée aux confins du pays des Mosynéciens, elle leur envoie pour député Timésithée de Trébizonde, qui était leur hôte public, et leur fait demander si elle doit regarder leur territoire qu’elle va traverser comme pays ami ou comme ennemi. Les Mosynéciens répondirent que le parti qu’on prendrait leur importait peu ; car ils se reposaient sur la force de leurs places. Timésithée expose alors à l’armée que les Mosynéciens sont divisés, que la partie de ces peuples qui habite à l’ouest est en guerre avec ceux-ci ; on jugea à propos d’envoyer chercher les premiers et de leur proposer une alliance offensive contre les autres. Timésithée y fut député et ramena avec lui leurs chefs ; quand ils furent arrivés, ils s’assemblèrent avec les généraux grecs, et Xénophon leur parla ainsi, Timésithée lui servant d’interprète :

« Mosynéciens, nous voulons retourner en Grèce par terre, car nous n’avons point de vaisseaux : la partie de votre nation, qu’on dit être en guerre ouverte avec vous, s’oppose à notre passage. Vous pouvez, si vous le voulez, vous allier à nous, venger les injures que vous avez reçues de vos ennemis, et les réduire à jamais sous votre puissance. Songez que si vous nous laissez passer, vous ne retrouverez plus l’occasion d’avoir pour auxiliaire une armée telle que la nôtre. » Le chef des Mosynéciens répondit qu’il était du même sentiment, et qu’il acceptait l’alliance. « Voyons donc, poursuivit Xénophon, à quoi vous voulez nous employer, si le traité se conclut, et de quelle utilité vous nous serez réciproquement pour continuer notre marche. » Ils dirent qu’ils pouvaient faire une diversion, et attaquer à revers l’ennemi commun ; qu’ils enverraient d’ailleurs, au camp des Grecs, une flotte et des hommes qui leur serviraient, et de guides et de troupes auxiliaires.

ils repartirent ensuite après avoir donné leur foi et reçu celle des Grecs, et revinrent le lendemain avec trois cents