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XÉNOPHON, LIV. VI.

On a dit ci-dessus comment avait été dissous le commandement en chef de Chirisophe, et comment l’armée s’était partagée. Voici ce que fit chacune des divisions : les Arcadiens, ayant débarqué de nuit au port de Calpé, marchèrent vers les premiers villages, à cinquante stades à-peu-près de la mer. Quand le jour eut paru, chaque général mena ses troupes dans un cantonnement séparé ; on conduisit deux lochos à chaque village qui parut plus considérable ; on convint d’une colline pour rendez-vous géneral. L’irruption des Grecs avait été imprévue et subite ; ils firent, par cette raison, beaucoup de prisonniers, et enlevèrent une grande quantité de menu bétail.

Les Thraces qui avaient pu fuir, se réunirent : comme ils étaient armés à la légère, il y en avait beaucoup qui avaient échappé à l’infanterie pesante des Grecs, quoiqu’ils fussent presque entre ses mains. Quand ils se furent rassemblés, ils attaquèrent d’abord le lochos de Smicrès, un des généraux arcadiens, tandis que cette troupe marchait au rendez-vous désigné, chargée de butin. Les Grecs continuèrent quelque temps leur marche en combattant ; mais, au passage d’un ravin, ils sont chargés et rompus : Smicrès est tué, et tous les soldats sont passés au fil de l’épée. Tel fut à-peu-près le sort d’Hégésandre, chef de lochos, l’un des dix nouveaux généraux ; il ne revint avec lui que huit hommes de sa troupe ; les autres chefs gagnèrent la colline et s’y rassemblèrent, les uns sans avoir été attaqués, les autres avec peine. Les Thraces, après ce premier succès, s’appelèrent les uns les autres, et concevant une nouvelle audace, rassemblèrent des forces pendant toute la nuit. Dès la pointe du jour, ils se formèrent en bataille tout autour de la colline où campaient les Grecs ; ils avaient beaucoup de cavalerie et d’infanterie légère : leur nombre s’augmentait sans cesse, et ils insultaient impunément l’infanterie des Grecs ; car il n’y avait, du côte de ceux-ci, ni armés à la légère, ni archers, ni cavalerie. Les Thraces s’avançant, les uns à la course, les autres au galop de leurs chevaux, lançaient des javelots, et se retiraient aisément dès qu’on marchait à eux ; ils firent cette manœuvre de plusieurs côtés, et, sans avoir un seul blessé, blessèrent beaucoup de Grecs : ceux-ci furent réduits à ne pouvoir sortir de leur poste, et les Thraces finirent par se mettre entre eux et l’endroit où ils allaient à l’eau. Dans cette détresse, les Grecs parlèrent de capitulation ; les Thraces leur accordèrent toutes les autres conditions, mais ne voulurent point donner d’otages, quoique les Grecs en exigeassent d’eux. Ce refus arrêtait la conclusion du traité. Telle était la situation des Arcadiens.

Chirisophe, marchant par terre le long des bords de la mer, sans être inquiété, arrive au port de Calpé. Xénophon traversait l’intérieur du pays. Sa cavalerie, détachée en avant, rencontre des députés qui allaient remplir l’objet de leur mission ; on les conduit à ce général. Il leur demanda s’ils ne savent aucunes nouvelles de quelque autre division de l’armée. Ils rapportent tout ce qui s’est passé, racontent que les Grecs sont assiégés en ce moment même sur une colline et que tous les Thraces entourent exactement ce poste. On mit alors ces hommes sous bonne garde, pour servir de guides en quelque endroit qu’il fallût se porter ; puis Xénophon, ayant posé dix vedettes, convoqua ses soldats, et leur dit :

« Soldats, une partie des Arcadiens a péri, et les autres sont investis sur un tertre qu’ils occupent. Je pense que si

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