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XÉNOPHON, LIV. VII.

de sortir. Quand les Thraces furent arrivés à la porte de leurs habitations, les uns lancèrent des javelots, d’autres frappèrent avec des massues qu’ils portaient, à ce qu’ils prétendaient, pour briser le fer des piques ennemies. Il y en avait qui mettaient le feu aux maisons. « Sortez, criaient-ils à Xénophon, en l’appelant par son nom, venez mourir sous nos coups, ou dans le lieu même où vous êtes nous allons vous brûler tout vivant. »

Déjà la flamme s’élevait au-dessus du toit ; les Grecs qui logeaient avec Xénophon, et ce général lui-même, avaient pris leurs cuirasses, leurs boucliers, leurs sabres et leurs casques. Silanus de Maceste, âgé de dix-huit ans, donne le signal avec la trompette ; aussitôt ces soldats et ceux qui occupaient d’autres maisons, sortent l’épée à la main ; les Thraces prennent la fuite, et suivant leur coutume font tourner leurs boucliers autour d’eux et les passent derrière leur dos ; quelques-uns furent pris en voulant sauter par-dessus la palissade, leurs boucliers s’étant embarrassés dans les pieux ; d’autres furent tués en cherchant une issue, et ne pouvant la retrouver. Les Grecs poursuivirent l’ennemi jusque hors du village ; quelques Thyniens revinrent sur leurs pas à la faveur de la nuit ; cachés par l’obscurité, et découvrant les Grecs à la lueur du feu, ils lancèrent des javelots à ceux qui couraient autour de la maison enflammée. Hiéronyme, Énodias, chefs de lochos, et Théagène Locrien, qui avait le même grade, furent blessés par eux, mais aucun n’en mourut. Il y eut des soldats qui perdirent dans les flammes des habits et des équipages. Seuthès vint au secours des Grecs avec sept cavaliers, les premiers qu’il trouva sous sa main ; il avait aussi avec lui un Thrace trompette. Ayant reconnu ce dont il s’agissait, il lui ordonna de sonner pendant tout le temps qu’il fut besoin de secours, ce qui contribua à intimider l’ennemi. Seuthès vint ensuite aux Grecs, les salua, et leur dit qu’il avait craint qu’ils n’eussent perdu beaucoup d’hommes.

Xénophon le pria ensuite de lui remettre les otages, et lui proposa de marcher ensemble à la montagne ou, s’il ne voulait pas l’y accompagner, de lui permettre au moins de s’y porter avec les Grecs. Le lendemain Seuthès lui livra les otages : c’étaient des vieillards et les gens les plus considérables, dit-on, des montagnards. Seuthès amena aussi toutes ses troupes ; le nombre en avait déjà triplé, car, dès que les Odryssiens avaient appris comment tournaient ses affaires, beaucoup d’entre eux avaient quitté leurs montagnes et étaient venus joindre son armée. Les Thyniens voyant de la hauteur des forces considérables, tant en infanterie pesante qu’en armés à la légère et en cavalerie, descendirent et supplièrent Seuthès de leur accorder la paix. Ils promettaient de se soumettre à tout, et demandaient qu’on reçût leurs sermens. Séuthès fit appeler Xénophon, lui communiqua leurs propositions, et ajouta qu’il ne leur accorderait aucune capitulation si Xénophon voulait les punir de leur attaque nocturne. Ce général répondit : « Je les trouve assez punis de perdre leur liberté et de tomber dans l’esclavage. » Il dit ensuite à Seuthès qu’il lui conseillait de ne plus prendre désormais pour otages que ceux qui étaient le plus en état de nuire, et de laisser les vieillards dans leurs maisons. Tout ce qui habitait cette partie de la Thrace accéda au traité et se soumit aussi.

On traversa les montagnes et on marcha contre les Thraces qui habitent au-dessus de Byzance, vers le lieu appelé Delta. Ce pays ne faisait plus partie de