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LA CYROPÉDIE, LIV. VI.

portée de l’aller chercher, et de se procurer ce qu’on jugerait utile.

Cyaxare, pour ne pas laisser ses états sans défense, demeura sur la frontière, retenant auprès de lui la troisième partie des Mèdes ; et Cyrus continua sa marche avec la plus grande diligence. La cavalerie était à la tête, précédée de quelques coureurs que le prince envoyait en avant dans les lieux les plus favorables pour observer. Après la cavalerie, venaient les bagages. Lorsqu’on traversait des plaines, les chariots et les bêtes de somme marchaient sur plusieurs colonnes : à leur suite venait l’infanterie de la phalange ; et s’il restait en arrière quelques chariots ou quelques conducteurs, les officiers qui survenaient veillaient à ce que la marche ne fût point retardée. Dans les chemins serrés, le bagage demeurait au milieu, et les hoplites filaient de droite et de gauche ; en sorte qu’il y avait toujours des soldats à portée de remédier aux accidens. Chaque compagnie marchait ordinairement auprès de son bagage : nul voiturier ne pouvait quitter la sienne, à moins qu’il ne survînt empêchement, et chaque taxiarque en avait un qui précédait, avec une enseigne connue de sa troupe. Ainsi ils allaient tous ensemble ; et, comme chacun avait grand soin de ne laisser en arrière aucun de ses camarades, ils n’étaient point obligés de se chercher l’un l’autre ; leur bagage était en sûreté sous leurs yeux ; ils avaient dans le moment ce qui leur était nécessaire.

Cependant les coureurs qui étaient en avant, crurent apercevoir dans la plaine des hommes qui ramassaient du fourrage et du bois ; ils voyaient des bêtes de somme qui en emportaient des charges, d’autres qui paissaient : plus avant, un nuage de fumée ou de poussière leur semblait s’élever dans les airs. À tous ces signes, ils reconnurent que l’ennemi n’était pas éloigné. Aussitôt leur commandant dépêcha vers Cyrus, qui fit dire aux coureurs de s’arrêter où ils étaient, et de l’instruire de ce qu’ils observeraient de nouveau : puis il chargea un escadron de cavalerie de s’avancer dans la plaine, pour faire quelques prisonniers qui donneraient des instructions plus sûres.

Pendant que ces ordres s’exécutaient, il fit faire halte à son armée, afin que les soldats eussent le loisir de tout préparer avant de s’approcher de l’ennemi. Il leur enjoignit d’abord de dîner, de reprendre ensuite leurs rangs, se tenant attentifs à ses ordres. Après le repas, Cyrus manda ses officiers de cavalerie et d’infanterie, les conducteurs des chars, et les chefs qui avaient l’inspection des machines, des bêtes de somme et des chariots de bagage. Comme ils étaient rassemblés, les cavaliers envoyés pour battre la campagne, revinrent avec des prisonniers, qui avouèrent à Cyrus qu’ils étaient de l’armée ennemie ; qu’ils avaient passé au-delà des gardes avancées, pour ramasser du bois et du fourrage ; que le grand nombre des troupes avait introduit la disette dans le camp. « À quelle distance, leur dit le prince, est actuellement votre armée ? — À la distance d’environ deux parasanges. — Parlait-on un peu de nous ? — Assurément, beaucoup ; on disait que déjà vous étiez fort près. — Et s’en réjouissait-on ? Il faisait cette question à cause de ceux qui l’écoutaient. — Non, par Jupiter ! loin de s’en réjouir, ils sont fort affligés. — Présentement que font-ils ? — Ils rangent leurs troupes en bataille ; hier et avant-hier ils n’ont pas fait autre chose. — Et qui donne les ordres ? — Crésus lui-même, aidé d’un Grec, et d’un Mède qu’on dit transfuge de votre armée. —