Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/721

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
720
XÉNOPHON.

Lorsqu’en continuant sa route, il fut arrivé auprès d’Abradate, il s’arrêta. Le Susien ayant donné les rênes de ses chevaux à son écuyer, vint aborder le prince : les chefs de l’infanterie et les conducteurs des chars qui étaient à portée, accoururent aussi pour le joindre. Dès qu’ils furent rassemblés, Cyrus adressant la parole à Abradate : « La divinité, lui dit-il, a comblé tes vœux ; elle t’a trouvé digne, toi et ta troupe, de marcher au premier rang. Souviens-toi, quand il faudra combattre, que les Perses te verront, qu’ils te suivront, et ne souffriront pas que vous vous exposiez seuls au danger. — J’espère, Cyrus, répondit Abradate, que tout ira bien de ce côté-ci ; mais j’ai de l’inquiétude pour nos flancs : je vois que ceux des ennemis, forts en chars et en troupes de toute espèce, s’étendent, sans que nous ayons à leur opposer que nos chars. Si mon poste ne m’était pas échu par le sort, je rougirais de l’occuper, tant je m’y crois à l’abri du péril. Puisque tout va bien de ton côté, répartit Cyrus, sois tranquille sur le sort de nos flancs ; avec l’aide des Dieux, je les dégagerai : seulement n’attaque pas, je t’en conjure, que tu n’aies vu fuir ces mêmes troupes que tu redoutes maintenant. » Cyrus, l’homme d’ailleurs le moins vain, se permettait quelquefois, au moment de l’action, ces propos avantageux. « Quand donc, ajouta-t-il, tu les verras en déroute, compte que je suis déjà près de toi ; fonds alors sur le corps de bataille ; tu le trouveras glacé d’effroi, et tes gens pleins d’assurance. Mais tandis que tu en as encore le temps, visite tous les chars de ta division, exhorte les conducteurs à charger avec intrépidité, encourage-les par la fermeté de ton maintien, anime-les par l’espérance ; excite dans leurs âmes l’envie de surpasser en bravoure les guerriers des autres divisions : inspire-leur ces sentimens, et par la suite ils avoueront, sois en sûr, qu’il n’est rien de plus profitable que la valeur. »

Pendant qu’Abradate, remonté sur son char, faisait ce qui lui était ordonné, Cyrus s’avança jusqu’à la pointe gauche de son armée, où était Hystaspe avec la moitié de la cavalerie perse ; et l’appelant par son nom : « Hystaspe, tu le vois, nous avons besoin de ta diligence ordinaire ; car si tu te hâtais, nous mettrions-les ennemis en pièces, sans perdre un seul homme. Nous nous chargeons, répondit Hystaspe en riant, de ceux que nous avons en face ; mais ordonne que les flancs de notre armée ne restent pas dans l’inaction. Je vais y pourvoir, répartit Cyrus : toi, Hystaspe, n’oublie pas que quiconque obtiendra des Dieux un premier avantage, doit se porter ensuite où les ennemis opposeront une plus grande résistance. » Il dit, et continua sa marche en se tournant sur le flanc gauche. Ayant abordé le commandant des chars qui couvraient ce flanc : « Je viens prêt à te secourir, lui dit-il ; dès que tu jugeras que nous avons attaqué la pointe de l’aile des ennemis, fais tous tes efforts pour les prendre par le flanc : si tu le traverses, tu courras moins de risque qu’en restant en deçà. » S’étant ensuite avancé à la queue des bagages, il y trouva Pharnuchus et Artagersas, à qui il ordonna de rester à leur poste avec mille fantassins et mille chevaux : « quand vous reconnaîtrez, ajouta-t-il, que je charge l’aile droite, tombez sur la gauche : attaquez-la par la pointe, c’est la partie la plus faible : mais pour ne rien perdre de vos forces, maintenez-vous toujours en phalange. Vous voyez les cavaliers placés à l’extrémité de l’aile ; faites marcher à leur ren-