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XÉNOPHON.

à son secours, au premier ordre que vous recevrez. Au reste, mon intention est de conserver ce royaume tant que je vivrai : après ma mort, le trône doit appartenir à Cyrus, s’il me survit. Ce sera lui qui offrira pour vous aux Dieux, quand ses affaires l’appelleront en Perse, les sacrifices que je leur offre aujourd’hui : lorsqu’il sera absent de ce pays, vous ne pourrez rien faire de mieux que de confier ce sacré ministère à celui de notre race que vous en jugerez le plus digne. » Cyrus et les magistrats des Perses convinrent unanimement de suivre les conseils de Cambyse, et prirent les Dieux à témoin de l’engagement qu’ils contractaient. Cet accord n’a reçu depuis aucune atteinte de la part du roi ni de ses sujets.

Bientôt après Cyrus quitta la Perse. Dès qu’il fut arrivé en Médie, il épousa, du consentement de son père et de sa mère, la fille de Cyaxare : on vante encore aujourd’hui la beauté de cette princesse. Selon quelques écrivains, celle qu’il épousa était sœur de sa mère ; mais cette nouvelle mariée eût été très vieille. À peine les noces étaient achevées, que Cyrus partit avec son épouse.

Chap. 6. Quand il fut de retour à Babylone, il pensa qu’il serait à propos d’envoyer des satrapes dans les provinces conquises, avec cette restriction, que les gouverneurs des places-fortes, et les chiliarques détachés en différens postes pour veiller à la sûreté du pays, ne recevraient d’ordre que de lui seul. Il prenait cette précaution, afin que si quelques satrapes, fiers de leurs richesses et de la multitude de leurs vassaux, avaient l’insolence de vouloir se rendre indépendans, ils eussent aussitôt en tête les troupes mêmes de leur gouvernement.

Cette résolution prise, il assembla les principaux chefs pour instruire ceux qui seraient pourvus de gouvernemens, des conditions auxquelles ils leur seraient confiés. Selon lui, ce règlement fait d’avance ne les mortifiait point ; mais si on attendait, pour le faire, qu’ils fussent en possession de leurs places, on les blesserait, parce qu’alors ils croiraient que c’est par défiance que l’on restreint leur pouvoir. Lorsqu’ils furent assemblés, il leur parla ainsi :

« Mes amis, nous avons laissé des garnisons et des gouverneurs dans les villes que nous avons soumises. En partant, je leur ai commandé de garder leurs places ; et comme ils ont suivi exactement mes ordres, je ne puis les destituer : mais il me paraît nécessaire d’envoyer des satrapes dans les provinces pour gouverner les habitans, lever les impôts, payer les garnisons, et veiller aux affaires de leur département. Il me paraît également nécessaire que ceux d’entre vous qui sont établis à Babylone, et que je pourrai envoyer dans ces provinces pour quelque commission particulière, y aient en propriété des terres et des maisons, afin qu’en arrivant ils se trouvent logés chez eux, et que les tributs nous parviennent ici. » Cyrus s’interrompit pour assigner à plusieurs de ses familiers des maisons et des vassaux dans la plupart des villes conquises. Ces possessions situées en différentes contrées de l’empire, appartiennent encore aux descendans de ceux à qui elles furent données, quoiqu’ils demeurent habituellement à la cour. « Quant au choix des satrapes pour l’administration des provinces, reprit Cyrus, mon avis est qu’il faut préférer ceux que l’on croira les plus soigneux de nous envoyer ce que chaque sol produit de meilleur et de plus beau, afin que sans sortir de nos foyers nous