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XÉNOPHON.

la multitude des affaires, tout s’expédie promptement par un petit nombre d’officiers. Cyrus, après avoir instruit les nouveaux satrapes de la conduite qu’ils devaient tenir, et avoir donné un corps de troupes à chacun, les congédia, en les avertissant de se tenir prêts pour entrer en campagne l’année suivante, et pour la revue générale qu’il comptait faire des hommes, des armes, des chevaux et des chars.

C’est à Cyrus que l’on doit, dit-on, un autre établissement qui subsiste en Perse. Tous les ans, un envoyé du prince parcourt avec une armée les différentes provinces de l’empire : si les gouverneurs ont besoin de secours, il leur prête main-forte ; s’ils sont injustes ou violens, il les ramène à la modération ; s’ils négligent de faire payer les tributs, et de veiller, soit à la sûreté des habitans de leur gouvernement, soit à la culture des terres ; en un mot, s’ils manquent à quelques-uns de leurs devoirs, l’envoyé remédie au mal : lorsqu’il ne peut y réussir, il en rend compte au roi, qui décide du traitement que mérite celui qui est en faute. Souvent ces hommes que l’on appelle le fils du roi, ou le frère du roi, ou l’oeil du roi, font la fonction d’inspecteurs : cependant quelquefois ils ne paraissent point, parce que s’il plaît au prince de les contremander, ils retournent sur leurs pas.

C’est encore à Cyrus qu’on attribue cette invention si utile dans un grand empire, au moyen de laquelle il était promptement informé de tout ce qui se passait dans les contrées les plus éloignées. Après avoir examiné ce qu’un cheval pouvait faire de chemin dans un jour sans s’excéder, il ordonna que sur les routes on construisît des écuries distantes l’une de l’autre de ce même intervalle, qu’on y mît des chevaux et des palefreniers. Dans chacune il devait y avoir un homme intelligent, pour recevoir les lettres qu’un courrier apportait, les remettre à un autre courrier, avoir soin des hommes et des chevaux qui arrivaient fatigués, et en fournir de frais. Quelquefois même la nuit ne retarde point la marche des courriers ; celui qui a couru le jour, est remplacé par un autre qui se trouve prêt à courir la nuit : aussi a-t-on dit d’eux, que les grues ne feraient pas autant de chemin dans le même espace de temps. Si ce mot est exagéré, ils est du moins certain qu’on ne peut voyager sur la terre avec plus de vitesse. Or il importe, et de recevoir promptement un avis, et d’en profiter sans délai.

L’année étant révolue, Cyrus assembla son armée à Babylone : on prétend qu’elle était composée de cent vingt mille cavaliers, de deux mille chars armés de faux, et de six cent mille fantassins. Avec ces forces redoutables, il entreprit la fameuse expédition dans la quelle il subjugua toutes les nations qui habitent depuis les frontières de la Syrie jusqu’à la mer Érythrée : de là portant ses armes vers l’Égypte, il la soumit pareillement ; de sorte que son empire eut dès-lors pour bornes, à l’orient la mer Érythrée, au septentrion le Pont-Euxin, au couchant l’île de Cypre et l’Égypte, au midi l’Éthiopie, régions dont les extrémités sont presque inhabitables, par la trop grande chaleur ou par la rigueur du froid, par les inondations ou par la sécheresse. Cyrus fixa son séjour au centre de ces différens pays ; il passait les sept mois de l’hiver à Babylone, dont le climat est chaud, les trois mois du printemps à Suse, les deux mois de l’été à Ecbatane : ce qui a fait dire qu’il jouissait d’un printemps continuel.

Il inspirait un tel attachement, qu’il n’était point de ville qui n’eût cru se