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ARRIEN, LIV. V.

et je partage son opinion. Porus détacha effectivement son fils contre l’ennemi, mais non avec soixante chars, ce qui n’est pas vraisemblable. En effet, comment, instruit de la marche d’Alexandre, Porus aurait-il exposé son fils avec des forces trop embarrassantes, s’il ne s’agissait que d’une reconnaissance, et trop faibles pour arrêter les Grecs ou les combattre ? il vint avec deux mille chevaux, et cent vingt chars, mais il n’arriva que lorsque Alexandre avait franchi la seconde île.

Alexandre détacha aussitôt contre lui ses archers à cheval, et marcha à la tête de sa cavalerie. Il croyait avoir à combattre Porus avec toutes ses forces, prenant ce corps de cavalerie pour l’avant-garde. Mais bientôt instruit par ses éclaireurs du nombre des Indiens, il pousse sur eux avec toute sa cavalerie ; l’ennemi qu’il vient choquer, non en ordre de bataille, mais en masse, se débande ; quatre cents hommes de la cavalerie indienne et le fils de Porus sont tués ; on s’empare des chevaux et de tous les chars qui n’avaient pu être employés, ni dans le combat sur un terrain que la pluie avait rendu impraticable, ni dans la fuite, à cause de leur pesanteur.

Chap. 4. Porus, à la nouvelle de la mort de son fils et de la marche des principales forces d’Alexandre, hésita d’abord s’il irait à sa rencontre, en voyant le mouvement de Cratérus qui s’ébranlait pour passer : il prend cependant le parti de se porter sur le point où se trouve le roi lui-même avec l’élite de son armée ; mais il laisse en partant un détachement et quelques éléphans sur la rive pour tenir Cratérus en respect. Il marche donc contre Alexandre à la tête de trente mille hommes d’infanterie, et de toute sa cavalerie composée de quatre mille chevaux, de trois cents chars, et de deux cents éléphans. Arrivé dans une plaine ferme et propre au développement de sa cavalerie, il range ainsi son armée. En avant les éléphans à cent pieds de distance l’un de l’autre, doivent épouvanter la cavalerie d’Alexandre ; ils couvrent l’infanterie indienne rangée sur une seconde ligne, dont quelques points s’avancent dans les vides de la ligne des éléphans. Porus avait pensé que jamais la cavalerie de l’ennemi n’oserait s’engager dans les ouvertures du premier rang, où les éléphans devaient effrayer leurs chevaux ; l’infanterie l’oserait encore moins, menacée à-la-fois par ces animaux terribles, et par les soldats de la seconde ligne. Cette dernière s’étendait jusqu’aux ailes, formées de la cavalerie appuyée sur l’infanterie ; au devant étaient les chars.

Alexandre, arrive en présence, fait halte pour donner à la phalange des Macédoniens qui arrive à grands pas, le temps de le rejoindre. Et pour ne point les mener essoufflés au combat, il fait caracoler sa cavalerie en face de l’ennemi. Après en avoir reconnu les dispositions, et pénétrant l’intention de Porus, il se décide à l’attaquer, non point par le centre défendu ainsi que nous venons de le voir, mais en flanc. Supérieur en cavalerie, il en prend avec lui les plus forts détachemens, et pousse l’aile gauche de Porus. Cœnus, à la tête de son corps et de celui de Démérius, doit tourner l’aile droite, et saisir le moment où Alexandre, de son côté, serait aux prises avec la cavalerie des Barbares, pour les investir par derrière. Séleucus, Antigène et Tauron, commandent la phalange ; elle ne doit s’ébranler que lorsque la cavalerie aura déjà porté le désordre dans les troupes de l’ennemi.

Arrivé à la portée du trait, Alexandre fait avancer sur l’aile gauche des In-