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ARRIEN, LIV. V.

diens, mille archers à cheval dont les escarmouches et les traits doivent commencer à la rompre. Lui-même, à la tête des Hétaires, court la prendre en flanc pour l’empêcher de se rétablir, et de se porter sur la phalange.

Cependant la cavalerie des Indiens rassemblait et pressait tous ses rangs pour soutenir le choc d’Alexandre, lorsque Cœnus paraît tout-à-coup sur leurs derrières. L’ennemi, de ce côté, fut alors obligé de partager sa cavalerie en deux corps, dont l’un composé des escadrons les plus braves et les plus nombreux devait faire face à Alexandre, et l’autre se retourner contre Cœnus.

Alexandre, profitant du désordre inséparable de ce mouvement, les charge rapidement ; ils se rompent et vont se rallier sous les éléphans comme derrière un rempart. Leurs conducteurs les poussent contre Alexandre ; alors la phalange macédonienne s’avance et fait pleuvoir sur les uns et les autres une grêle de traits. La mêlée ne ressemble alors à aucune de celles où les Grecs s’étaient trouvés.

En effet, les éléphans lancés dans les rangs rompaient de tous côtés les plus épais de la phalange macédonienne. À cet aspect la cavalerie indienne tombe de nouveau sur celle d’Alexandre qui, plus forte et par le nombre et la tactique, la repousse encore jusqu’aux éléphans. Toute la cavalerie des Grecs se trouve alors, non par suite des ordres du général mais par celle du combat, ne plus former qu’un seul corps qui, de quelque côté qu’il se meuve, porte le carnage dans tous les rangs des Indiens.

Les éléphans, resserrés de toutes parts, ne sont pas moins terribles aux leurs qu’à l’ennemi ; ils écrasent tout autour d’eux : on fait un massacre horrible de la cavalerie acculés dans cet endroit ; les conducteurs des éléphans sont percés de traits ; ces animaux harassés, couverts de blessures et sans guides, ne gardent plus aucun ordre ; exaspérés sous les coups, la douleur les rend furieux, ils s’emportent et foulent aux pieds tout ce qu’ils rencontrent. Les malheureux Indiens ne pouvaient échapper à leur furie. Les Macédoniens, ayant un plus grand espace pour se développer, ouvraient leurs rangs à l’approche des éléphans qu’ils perçaient ensuite de traits : on voyait alors ces animaux énormes se traîner languissamment comme une galère fracassée ; ils poussaient de longs gémissemens.

Les chevaux d’Alexandre ayant enveloppé l’ennemi, il fait donner la phalange ; toute la cavalerie indienne est massacrée sur le champ de bataille : la plus grande partie de l’infanterie y demeure, l’autre s’enfuit par un vide que laisse la cavalerie d’Alexandre.

Cratérus et les autres généraux, sur la rive de l’Hydaspe, voyant le succès d’Alexandre, passent le fleuve et achèvent le massacre des Indiens, qu’ils poursuivent avec des troupes fraîches.

On perdit du côté des Indiens près de vingt mille hommes de pied, trois mille chevaux, deux fils de Porus, Spithacès, gouverneur du pays, tous les chefs de l’armée, tous les conducteurs des chars et des éléphans, et même tous les chars : on prit les éléphans qui échappèrent au carnage.

Du côté d’Alexandre il périt en tout trois cent dix hommes, dont quatre-vingt sur les six mille hommes d’infanterie, dix des archers à cheval qui commencèrent l’action, vingt Hétaires, et deux cents du reste de la cavalerie.

Porus se distingua par ses exploits, et fit dans cette bataille non-seulement