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POLYBE, LIV. XXXIV.

car voilà ce qui appartient le plus proprement à la chorographie. » (Strabo, Geograph. lib. x.) Schweigh.


Quelques personnes me demanderont peut-être pourquoi je n’ai pas parlé, et avec beaucoup de détails, du détroit placé vers les Colonnes d’Hercule, de la mer extérieure et de sa nature, des îles Britanniques et de la confection de l’éiain, des mines d’or et d’argent qui se trouvent en Ibérie, dont plusieurs auteurs ont raconté tant de choses et même tant de faits contradictoires. Je répondrai que j’ai passé toutes ces choses sous silence non pas parce que je les jugeais peu dignes de l’histoire, mais d’abord parce que je ne voulais pas interrompre ma narration pour faire un ensemble de chacune des choses en particulier, et détourner ainsi de l’attention qu’on doit porter à la série des faits, l’esprit de ceux qui aiment des renseignemens de ce genre, et qu’ensuite j’avais décidé d’en faire mention, non pas çà et là et en passant, mais bien d’expliquer dans le temps et le lieu choisis par moi à cet effet tout ce qu’il m’avait été possible de trouver de vrai. (Polybii Hist. lib. iii, c. 57.) Schweigh.


II.


N’attacher à rien de vrai un merveilleux de son invention, ce n’est pas là un artifice d’Homère ; il savait trop que le moyen de se rendre croyable est de mêler au mensonge un peu de vérité : c’est une observation que fait Polybe en traitant des voyages d’Ulysse. (Strabo, lib. i.) Schweigh.


Polybe interprète fort bien ce qui concerne ces voyages ; selon lui, « Éole enseignait aux navigateurs la façon de se conduire au passage du détroit où les côtes sont tortueuses, où des flux et reflux rendent la navigation difficile. De là Éole fut surnommé le dispensateur, le roi des vents. Ainsi Danaüs, pour avoir indiqué les sources dans l’Argolide, et Atrée, pour avoir découvert le mouvement rétrograde du soleil, de devins et d’auspices qu’ils étaient, devinrent des rois. Ainsi les prêtres des Égyptiens, les Chaldéens, les mages, à cause de leurs lumières supérieures, passèrent chez nos ancêtres pour des princes ou des grands ; ainsi, dans chaque dieu, trouvons-nous l’inventeur de quelqu’une des choses les plus utiles. »

Cela posé, Polybe ne veut pas qu’on prenne pour de pures mythes ce que le poëte raconte, soit en particulier d’Éole, soit en général des voyages d’Ulysse. Dans le récit de ces courses, ainsi que dans le récit de la guerre de Troie, il aura mêlé quelques mythes ; mais, en total, à l’égard de la Sicile, le poëte s’accorde avec tous ceux des autres écrivains qui rapportent les traditions locales concernant cette île et l’Italie. Polybe ne loue donc point le mot d’Ératosthène : « On trouvera le théâtre des voyages d’Ulysse, quand on aura trouvé le corroyeur de l’outre des vents. » — « Même, ajoute Polybe, tout ce qu’Homère dit de Scylla :

Vers ce roc elle attaque, en son avide rage,
Les dauphins et les chiens et les monstres plus grands
Qu’amène le hasard.....

est conforme à ce qui se passe au Scyllæon et à ce qui se voit à la pêche des galiotes. En effet, les thons qui nagent en troupe le long de l’Italie, repoussés de la Sicile et entraînés dans le détroit, y rencontrent les poissons les plus forts,