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La perte de Capoue ayant obligé Annibal d’abandonner la Campanie où il n’avait plus aucun point d’appui ; les Romains s’en emparèrent. La position de cette province leur permettait de menacer en même temps le Brutium et la Lucanie ; ce qui mettait Annibal dans la nécessité de concentrer ses forces, et d’abandonner un grand nombre de postes qui se trouvaient trop dispersés sur le front de sa ligne d’opérations, pour qu’il put les protéger tous.

Alors la guerre changea d’objet ; et les Romains prirent l’offensive. Il fallut songer à se défendre, après avoir attaqué si long-temps. De là ces marches et ces contremarches continuelles qu’Annibal fit dans les campagnes suivantes.

Les Romains, établis dans la Campanie comme dans le lieu le plus central de l’Italie inférieure, le prévinrent sur tous les points où il voulut se porter, et le chassèrent des postes qu’il avait occupés ayant eux. Cependant Annibal déconcerta souvent l’ennemi par ses marches savantes, et fut presque toujours vainqueur lorsqu’il commandait en personne. Mais ses lieutenans se laissaient battre en détail, et l’armée carthaginoise s’affaiblissait plus par ces actions particulières, que les Romains ne le firent dans les batailles rangées.

Si Capoue assurait les subsistances à l’armée d’Annibal, Tarente lui ouvrait des communications faciles avec la Grèce, et surtout avec la Macédoine dont le roi était devenu l’allié des Carthaginois. Les Romains qui avaient toujours conservé la citadelle, s’en servirent pour se ménager des intelligences dans la ville ; la perte de Tarente entraîna celle des autres places du littoral.

Le général carthaginois, n’ayant plus d’appui dans cette partie de l’Italie, fut contraint de revenir en Apulie, et d’y chercher des positions fortes sur les montagnes des Apennins. L’Apulie était d’ailleurs épuisée ; elle ne pouvait plus fournir ni vivres ni recrues ; Annibal s’aperçut bientôt qu’il s’y maintiendrait avec peine, s’il ne recevait de Carthage des secours en hommes et en argent. C’est ce qui l’engagea d’appeler à lui son frère Asdrubal qui commandait en Espagne.

Le théâtre le plus brillant de la guerre allait passer dans ce pays ; car l’on s’était occupé de l’Espagne à Rome, aussitôt qu’Annibal avait laissé respirer l’Italie.

Les deux Scipion laissaient des regrets universels. Aucun sénateur n’osant briguer l’honneur périlleux de succéder à leur dignité, le jeune Publius, fils de l’un d’eux, animé du désir de venger son père et son oncle, s’offrit à l’âge de vingt-quatre ans, et réunit les suffrages.

Ce proconsul fit ses préparatifs pendant l’hiver, et ouvrit la campagne par le siége de Carthagène. Il conduisit cette opération avec tant de secret, et les dispositions en furent si bien prises, que l’on s’empara de la ville avant que les Carthaginois eussent pu la secourir.

Ils avaient alors trois généraux qui commandaient chacun un corps de troupes. L’avis des principaux officiers romains était de se jeter sur le plus voisin, et de marcher ensuite contre les autres. Mais Scipion, qui avait des vues plus sûres et mieux concertées, représenta qu’en attaquant un des généraux, les autres le rejoindraient infailliblement, et qu’au lieu de les forcer à se réunir, il fallait profiter de leur éloignement. Scipion s’assura exactement de la distance qui les séparait.

Il n’avait que vingt-cinq mille hommes d’infanterie et deux mille de cavalerie. Les Carthaginois étaient plus