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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/163

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prise de camp. Toutefois, l’autorité que Plutarque se donne en annonçant qu’il écrit sur les Mémoires de Sylla, ayant engagé tous les historiens à le suivre dans le récit de cette bataille, on ne pouvait se dispenser d’en parler ici.

Vous jugez alors qu’Archelaüs commit une faute en négligeant d’occuper le sommet du mont Thurium et de reconnaître exactement les endroits par où l’on y arrivait ; qu’il en fit une seconde, de lâcher ses chariots quand ils ne devaient plus produire aucun effet ; car c’était ajouter à la confiance de l’ennemi, ce qu’il faisait perdre de confiance à ses troupes. On voit une troisième faute dans une disposition qui ne sait pas tirer un corps de réserve d’une quantité si prodigieuse de combattans, puisque cette réserve fournissait encore un moyen d’envelopper les Romains pendant l’action, sans rien indiquer de cette manœuvre, comme le fit Archelaüs, en jetant sur ses ailes toute sa cavalerie et son infanterie légère. On peut enfin reprocher une quatrième faute au général de Pont, qui, au lieu de poursuivre son avantage contre Hortensius, et de faire avancer Taxile et les Chalcaspides pour le pousser jusqu’aux montagnes et l’y retenir, vient attaquer la droite des Romains. Il lui était si facile de tourner leur gauche et de tomber sur ce flanc ! Sylla, qui accourait, ne serait arrivé que pour être témoin de sa défaite ; son armée se trouvant séparée de sa réserve, et coupée dans plusieurs points, il n’était pas vraisemblable qu’elle put tenir.

Mais plus on examine le récit de cette bataille dans Plutarque, plus il paraît fabuleux. Le consul même, Sylla, ce héros de l’écrivain, n’y joue pas un brillant rôle. On le voit incertain, marchant de sa droite à sa gauche, et retournant de sa gauche à sa droite, sans autre motif apparent que celui de se trouver partout où Archelaüs manifeste sa présence. Tous ces mouvemens indiquent trop un général irrésolu sur ce qu’il doit faire, et n’osant se confier dans la sagesse de ses dispositions.

Était-il bien sensé de laisser Hortensius dans le cas d’être coupé ? Que faisait Galba pendant tout ce temps, et comment Hortensius échappa-t-il avec quelques cohortes au général de Pont, si fort en cavalerie ? Enfin que deviennent les troupes qui marchaient sous la conduite des deux chéronéens ; car on ne peut supposer qu’elles restèrent oisives ? Plutarque ne nous eût pas laissé ignorer tant de détails intéressans, si, comme il le dit, il avait exactement suivi les Mémoires de Sylla pour la narration de cette bataille.

Archelaüs, retiré dans l’île de l’Eubée, n’ayant rien à craindre d’un ennemi qui ne possédait pas de vaisseaux, monta sur sa flotte, et se contenta de courir les mers voisines ; quant à Mithridate, loin de se laisser abattre, il donna l’ordre de faire des levées nouvelles, et bientôt mit sur pied une seconde armée. Il voulut aussi prévenir les troubles que cette défaite pouvait exciter dans ses états. Les rigueurs qu’il déploya envers les uns ; les priviléges dont il combla les autres, n’empêchèrent pas les conjurations de se former au sein même de sa cour.

Rome, triomphante au loin, n’était pas intérieurement plus tranquille. Marius venait de mourir ; mais sa faction subsistait encore, et depuis le départ de Sylla pour l’Asie, elle avait repris de sa supériorité. Le consul Cinna, qui partageait l’autorité avec le jeune Marius, n’apprenait pas sans inquiétude les succès du général romain, et devait craindre, à chaque instant, de le voir rentrer