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bileté fut de ne pas compromettre son avantage, et de rappeler ses soldats. Il y mit le comble en formant le projet, singulier en apparence, mais très bien combiné d’ailleurs, d’enfermer dans une plaine, avec quinze mille légionnaires, une armée de quatre-vingt-dix mille hommes, presque toute composée de cavalerie.

Sylla ne paraît pas avoir excellé dans la manière de disposer ses troupes sur le terrain, science dont nous avons suffisamment parlé, en traitant des différens ordres de bataille ; mais personne ne faisait mieux un plan de campagne, ne prenait un parti plus juste et plus prompt ; personne ne se montrait plus intrépide dans l’action, donnant l’exemple de la bravoure, ne ménageant ni la vie des autres ni la sienne, et cherchant avant tout le succès. Sans doute rien ne semble si dangereux que ces hommes déterminés, qui souvent mettent l’état à deux doigts de sa perte ; mais aussi rien de si difficile que de leur résister.

Après cette journée, Sylla distribua les récompenses militaires ; il donna une couronne au tribun qui était entré le premier dans les retranchemens. Le général romain alla ensuite châtier les villes de la Béotie qui s’étaient déclarées pour Mithridate, et vint prendre ses quartiers d’hiver dans la Thessalie. Là, il attendait son questeur Lucullus, envoyé par lui en Asie, pour se procurer une flotte, et qui, en effet, après avoir échappé aux plus grands périls, était enfin parvenu à rassembler quelques vaisseaux.

Cependant le consul Flaccus ne suivait pas les intentions secrètes de Cinna qui avait bien plus en vue de détruire le vainqueur de Mithridate, que Mithridate lui-même. Soit que Flaccus sentît judicieusement la supériorité que Sylla avait sur lui, ou qu’il eût lieu de craindre que ses troupes l’abandonnassent à la première rencontre, il s’était rendu à Byzance en passant par la Macédoine, et laissait ainsi son rival dans la Grèce, sans songer à l’y troubler.

Alors Fimbria, qui cherchait l’occasion de s’emparer de l’autorité, parvint à soulever les légions romaines, arbora l’étendard de la révolte, et fit massacrer Flaccus. Le premier acte de son commandement fut le pillage de Nicomédie qu’il abandonna aux troupes ; bientôt toute la Basse-Asie devint le théâtre de ses fureurs et de ses cruautés.

Mithridate envoya, contre Fimbria, une armée à la tête de laquelle il plaça l’un de ses fils. Cette armée fut battue, poursuivie jusqu’a Pergame, où Mithridate faisait sa résidence, et le roi lui-même courut le risque de tomber entre les mains de l’ennemi. Mais Lucullus, qui regardait Fimbria comme un traître, n’ayant pas voulu l’aider avec sa flotte, Mithridate échappa.

Lucullus joignit enfin Sylla, après avoir remporté deux victoires navales sur Mithridate ; et le roi de Pont, alarmé de tant de pertes, chargea son lieutenant Archelaüs de négocier la paix, et de la conclure à tout prix.

Les intérêts du général romain ne la lui rendaient pas moins nécessaire qu’au roi de Pont. Son camp recevait tous les jours ses amis bannis de Rome. Les plus zélés avaient été massacrés ; on venait de déclarer Sylla ennemi de la république. Cependant il était résolu de ne pas laisser à un autre la gloire de terminer cette guerre ; car il sentait combien ce coup d’éclat devenait nécessaire pour relever son parti abattu.

Au milieu de ces embarras, Archelaüs vint se présenter de la part de Mithridate. Le temple d’Apollon, sur la