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Cependant Sylla songeait à ne pas laisser son ennemi en Asie, à portée de traiter avec Mithridate. Il marcha contre l’assassin de Flaccus, prit son camp, à deux stades du sien, et le fit sommer, en arrivant sur le terrain, de lui remettre le commandement qu’il avait usurpé.

Fimbria répondit que celui de Sylla n’était pas plus légitime ; que les lois l’avaient abrogé depuis long-temps. Toutefois, Sylla ayant donné ordre de travailler aux retranchemens de son camp, et les soldats du parti opposé courant sans armes embrasser leurs camarades, Fimbria prévit ce qui allait arriver, se rendit à Pergame, et se perça de son épée dans le temple d’Esculape.

Sylla règle les affaires des provinces de cette contrée, accorde à plusieurs villes grecques le titre d’ami du peuple romain, chasse de la Basse-Asie tous les partisans de Mithridate, ordonne qu’on lui paie vingt mille talens pour dédommagement des frais de la guerre, demande encore d’autres contributions afin d’enrichir ses soldats, laisse Murena dans l’Asie épuisée avec deux légions de l’armée de Fimbria, s’occupe de rétablir Nicomède sur le trône de Bithynie et Ariobarzane sur celui de Cappadoce, puis repasse en Italie, et tombe sur les partisans de Marius.

Cependant Mithridate, de retour dans ses états, s’occupait de faire rentrer sous son obéissance ceux que ses revers avaient excités à la révolte. Il soumit la Colchide, et se disposait à marcher contre les peuples du Bosphore. Ses préparatifs, trop considérables pour cette expédition, firent supposer que les Romains en étaient l’objet, et les Bosphoriens le prétexte ; car Mithridate n’avait pu se résoudre encore à restituer la Cappadoce.

Murena, jaloux d’obtenir les honneurs du triomphe, ne cherchait que l’occasion de les mériter. Il prit sa route par la Cappadoce, et vint s’emparer de la Comane de Pont, l’une des principales villes de ce royaume, et dont le temple était rempli de richesses. Mithridate envoya des ambassadeurs pour se plaindre de cette infraction au traité. Le général romain répondit qu’il n’en connaissait point.

En effet, soit par négligence, soit plutôt pour se réserver les moyens de revenir en Asie, Sylla, content d’avoir vu exécuter la plupart des articles de son traité, ne le fit point écrire, ou du moins ni lui ni Mithridate ne le signèrent. Après quelques expéditions où il ne trouva pas de résistance, Murena prit ses quartiers d’hiver dans la Cappadoce, et y fit bâtir la ville d’Éricine, sur les confins de ce royaume et de celui de Pont.

Pendant que Mithridate envoyait des ambassadeurs à Rome, Murena traversait le fleuve Halys, pillait quatre cents villages, et, chargé de butin, rentrait dans la Phrygie et dans la Galatie.

Presque tous les officiers de l’armée romaine étaient d’avis de marcher droit à Sinope, pensant que, cette ville une fois tombée en leur pouvoir, les autres ne tarderaient pas à se soumettre. Murena perdit du temps à délibérer, et le roi, instruit par ses espions de l’entreprise, para le coup en y mettant une forte garnison. Il fit ensuite partir quelques troupes sous les ordres de Gordius, qui vint camper vis-à-vis des Romains, sur la rive opposée de l’Halys.

Les deux armées étaient en présence. Mithridate paraît avec des forces bien supérieures à celles des Romains, passe le fleuve, livre bataille, et le général, assez inhabile pour la recevoir d’un ennemi auquel il n’était pas en état de disputer le passage du fleuve, éprouve

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