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une défaite. (An 672 de Rome ; 82 avant notre ère.)

Murena vaincu se retire d’abord avec les troupes qui lui restent, sur une montagne voisine, d’où il prend la route de la Phrygie par les chemins les plus difficiles, afin de se dérober à la poursuite du roi. Cette victoire rendit à Mithridate toutes les villes que Murena lui avait enlevées.

Sylla, qui prévoyait que son lieutenant ne pourrait résister à toutes les forces du roi de Pont, envoya Aulus Gabinus pour terminer le différent. De son côté, Mithridate faisait passer une autre ambassade à Rome, dans le but d’arrêter définitivement les articles du traité. Mais, Sylla étant mort sur ces entrefaites, Mithridate profita de cette circonstance pour fondre de nouveau sur la Cappadoce.

Ce fut dans ce temps-là même que deux partisans de Marius, dont la cause se soutenait encore en Espagne, vinrent à la cour de Mithridate, et l’engagèrent à former une alliance avec Sertorius, le plus ferme appui de cette faction. Le roi crut ne pouvoir choisir de négociateurs plus capables pour faire réussir le projet d’une ligue défensive ; il les envoya tous deux à Sertorius avec le caractère d’ambassadeurs. Mithridate offrait des vaisseaux et de l’argent, pourvu qu’on lui assurât la possession de tout ce qu’il avait été contraint de céder dans l’Asie, par le traité de Sylla.

La nouvelle de cette députation étant venue à Rome, on y déclara les deux ambassadeurs, L. Manius et Fannius, ennemis de la république, et l’on donna promptement des ordres pour les arrêter sur leur route ; mais ils arrivèrent heureusement en Espagne.

Sertorius assembla aussitôt son conseil, auquel il donnait le nom de sénat, à l’instar de celui de Rome ; il y exposa les offres du roi de Pont. Tous opinèrent pour qu’elles fussent acceptées ; Sertorius ne voulut y consentir qu’avec de grandes modifications.

Mithridate devait abandonner toute prétention sur la province d’Asie, qui appartenait légitimement aux Romains, comme leur ayant été cédée par une disposition testamentaire ; le roi s’engageait aussi à fournir trois mille talens et quarante vaisseaux. De son côté, Sertorius lui cédait la Cappadoce et la Bithynie, les Romains n’ayant aucun droit sur ces pays, et le roi de Pont pouvant en faire valoir d’apparens. Sertorius devait envoyer en outre à ce prince des soldats et un général habile pour commander ses armées.

Mithridate apprenant de quelle manière ses propositions avaient été reçues : « Que fera donc Sertorius, s’écria-t-il, si jamais il préside au sénat, puisque du fond de l’Espagne où il est exilé, pour ainsi dire, il ose nous prescrire des limites dans l’Asie ! » Cependant Mithridate consentit à tout.

Aucun capitaine ne fut plus fécond en expédiens, et ne posséda mieux l’art de jeter son ennemi dans l’embarras que Sertorius. Toute l’expérience et l’habileté de Metellus ayant échoué contre lui, le sénat de Rome envoya Pompée pour le réduire. Celui-ci, fier des grands succès qu’il avait obtenus sous Sylla, se flattait de terminer bientôt la guerre ; il ne fut pas long-temps sans voir combien il aurait à décompter. Pompée ne faisait pas un mouvement qu’on ne le prévînt, et ses projets étaient si bien déjoués qu’il s’estimait souvent trop heureux de pouvoir se dégager avec une perte considérable.

S’étant un jour approché de la ville de Tauron, assiégée par Sertorius, il crut enfin le tenir enfermé entre son armée et la place, et avertit les habitans