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Mithridate sut habilement profiter des troubles que l’indiscipline excita dans l’armée romaine, et recouvra presque tous ses états. Pour Tigranes, accoutumé à mépriser ses ennemis dès qu’ils cessaient de le poursuivre, il se contenta de ravager la Cappadoce, et parut oublier qu’il devait reconquérir la meilleure partie de son royaume. Il eût pu le faire impunément, car le consul Glabrio semblait apparaître dans l’Asie plutôt pour arrêter les progrès de Lucullus, que dans le dessein de continuer la guerre.

Lucullus revint à Rome, emportant des richesses et une collection immense de livres. Il en composa cette fameuse bibliothèque toujours ouverte aux savans. Le sénat, qui ne voyait pas sans inquiétude le degré de puissance que le peuple romain accordait à Pompée, reçut Lucullus avec de grands honneurs.

Pompée, devenu seul chef des troupes d’Asie, se hâta d’envoyer auprès de Mithridate pour lui proposer la paix. Le dessein du général romain était certainement de séparer les intérêts du roi de Pont de ceux du roi d’Arménie, pour les vaincre ensuite plus aisément. Mithridate se laissa séduire par des espérances assez chimériques, et allait traiter des conditions.

Sur ces entrefaites, Arsace, roi des Parthes, qui n’avait jamais voulu se déclarer contre Rome, termina sa carrière, et Phraate lui succéda. Les liaisons de ce prince avec Mithridate ne laissèrent aucun doute au roi de Pont sur l’alliance qu’il projetait depuis longtemps avec les Parthes ; car il comprenait à peine que l’on pût être roi sans détester les Romains.

Ce prince, dont les idées se présentaient toujours vastes, lors même que sa situation semblait devoir les resserrer, voyait déjà l’Asie entière secouer le joug et se liguer contre Rome. Il refusa donc d’entendre les propositions de Pompée ; mais, ayant appris quelque temps après que Phraate méprisait son alliance, il eut recours aux négociations.

On ne put s’accorder toutefois, Pompée exigeant pour conditions préliminaires que Mithridate mît bas les armes et livrât tous les transfuges. En effet cette nouvelle s’était à peine répandue dans le camp qu’elle y causa une rumeur générale, les uns redoutant le châtiment qui les attendait, les autres excités par la crainte de se voir privés d’un appui qui faisait toute leur force. Mithridate les rassura, et parvint même à leur persuader qu’il avait employé ce stratagème afin de mieux connaître les ressources de son adversaire.

Pompée marcha contre le roi de Pont, que sa longue expérience dans la guerre rendait un général consommé. Mithridate prit aussitôt la résolution de harceler continuellement les Romains, de rendre leurs convois difficiles, enfin d’employer toutes les ruses de la guerre défensive pour détruire son ennemi, sans s’exposer aux chances d’une bataille.

Par ses ordres on avait dévasté l’étendue de pays où Pompée pouvait se porter ; et il se contentait de faire escarmoucher sa cavalerie. Le général romain, que ce genre de guerre fatiguait, dressa une embuscade avec un détachement assez considérable, et en envoya d’autres plus petits pour attirer de ce côté la cavalerie du roi. Elle donna dans le piége et fut mise en déroute.

Pompée la fit poursuivre vigoureusement par des corps disposés d’avance et soutenus au moyen de cohortes qui marchaient en ordre de bataille. Cette ligne devait recevoir les troupes si elles étaient repoussées en arrivant sur le camp de Mithridate, ou les aider à s’y maintenir,

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