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qué pour délibérer sur ce qui intéressait tout le canton. Ce lieu fut souvent appelé ville, Oppidum, quoique l’assemblée se tînt en rase campagne. Les Romains lui donnaient même le nom de cité.

Dans leur langue, le mot civitas ne signifiait pas un amas de maisons, mais la république, la totalité des citoyens, soit qu’ils habitassent à Rome ou dans la campagne ; ce mot désignait enfin tous ceux qui pouvaient voter et prendre part à la chose publique.

La plupart des lieux où les Gaulois tenaient ces assemblées sont devenus de véritables villes dans la suite des temps, lorsque, la vie nomade cédant à la vie agricole, ces peuples adoptèrent l’usage de s’enfermer dans des murs. Ce fut un art qu’ils apprirent des Grecs établis sur leurs rivages.

Les anciens ont dit que la chasse et la guerre étaient les seules occupations des Gaulois, et que l’agriculture fut long-temps abandonnée aux femmes et aux enfans. On a retrouvé ce même usage chez les sauvages de l’Amérique dans ces derniers siècles.

L’inégalité des conditions était déjà établie chez eux : ils avaient des seigneurs de cantons, une sorte de noblesse et des esclaves. Ainsi l’humanité y souffrait à peu près les mêmes affronts qu’elle a reçus partout. On doit avouer cependant qu’elle fut plus respectée dans la personne des femmes que chez aucun autre peuple, s’il est vrai, comme on nous l’assure, que la polygamie ne pénétra jamais dans les Gaules.

Je ne parlerai point d’un prétendu tribunal tenu par des femmes, dont plusieurs bénédictins, très savans d’ailleurs, nous font un grand éloge. Tout ce qu’ils en disent n’est fondé que sur un seul passage de Plutarque ; sur un autre de Polyen, qui écrivait soixante-seize ans après lui, et le copiait sans aucun examen.

Plutarque, homme vrai, mais historien peu fidèle, s’abandonne trop souvent à son penchant pour les fables. Au reste il semble moins parler ici d’un tribunal que de la déférence des Gaulois pour leurs femmes, et cette déférence est un trait de caractère qui se retrouve encore. Il existe peu de contrées où les femmes soient plus consultées qu’en France ; elles y prennent part à toutes les affaires, mais elles ne forment nulle part un tribunal.

Les Grecs et les Romains ont accusé les Gaulois d’être adonnés à l’ivrognerie : c’est le vice des peuples septentrionaux. Diodore de Sicile dit même que les Gaulois donnaient volontiers un esclave pour une amphore. Ce fait semble indiquer que les peuples dont il parle, sans désigner s’ils étaient Cisalpins ou Transalpins, ne cultivaient pas la vigne à cette époque, et qu’ils avaient beaucoup d’esclaves et de captifs. Ils savaient déjà fabriquer une liqueur fermentée, une espèce de bière.

La chaleur des pays méridionaux les incommodait. Florus les compare à la neige, qui fond aussitôt qu’elle s’échauffe ; et l’on sait que jusqu’à ces derniers temps l’Italie avait toujours été regardée comme le tombeau des armées françaises. Dion Cassius dit comme Tite-Live, comme Jules César, que l’audace des Gaulois surmontait d’abord tous les obstacles, mais qu’elle se dissipait bientôt, et les laissait tomber dans le découragement.

On convient que les Gaulois étaient hospitaliers, qu’ils accueillaient bien les étrangers, et les importunaient souvent par des questions indiscrètes. La plupart de ces traits caractérisent encore leurs descendans.

Voici le portrait que Silius Italicus