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leur corps demeurait presque nu malgré la rigueur du climat. Ils vivaient dans une entière indépendance, ne soumettaient point leurs enfans à une discipline réglée, et n’en exigeaient aucun devoir.

À l’occident le territoire des Suèves confinait avec celui des Ubes, dont la peuplade fut autrefois aussi puissante que pouvait l’être une horde de Germanie. Les Ubes voyaient leurs mœurs s’adoucir en communiquant avec les Gaulois ; mais ils étaient devenus tributaires des Suèves.

Les Usipètes et les Tenchthères semblaient plus maltraités par eux. Obligés de quitter leur terre natale, ils erraient depuis trois ans dans la Germanie, lorsqu’ils arrivèrent au bord du Rhin.

Les Ménapes, que César avait été chercher jusque dans leurs marais à la fin de la campagne précédente, habitaient les rives de ce fleuve. Ceux qui se trouvaient sur la droite, n’osant résister à cette multitude guerrière, se hâtent de quitter leurs établissemens, rassemblent toutes leurs barques, traversent sur la rive gauche, et se préparent à défendre le passage du fleuve de concert avec ceux qui habitaient de ce côté.

Après plusieurs tentatives inutiles pour se procurer des barques, les Usipètes et les Tenchthères ont recours à la ruse. Ils feignent d’abandonner absolument leur projet, semblent vouloir reprendre la route qu’ils ont suivie, et s’éloignent ainsi du Rhin pendant trois jours. Les Ménapes, impatiens de retourner chez eux, se croyant aussi hors de tout danger, repassent sur la rive droite du fleuve, et négligent de faire observer leur ennemi.

Mais celui-ci apprenant par ses espions cette conduite imprudente, revient tout à coup sur ses pas. Sa cavalerie fait dans une seule nuit le chemin qu’elle avait parcouru en trois jours, tombe sur les Ménapes, les taille en pièces, saisit leurs bateaux, et passe le fleuve. Telle est l’incursion à laquelle le proconsul résolut de s’opposer (an 699 de Rome, 55 av. notre ère).

Des députés vinrent de la part de ces barbares, et lui racontèrent les malheurs que les Suèves leur avaient causés. Ils le supplièrent d’assigner à la nation quelques terres où ils pussent fixer leur résidence.

César répond à ces envoyés, comme si tous les états de la Gaule lui eussent appartenus, que ce pays n’a point de terres vacantes ; que si les émigrans repassent le Rhin, il conserve dans la Germanie des alliés qui leur permettront d’y vivre en toute sécurité.

On aurait pu leur distribuer cependant une partie du territoire des Nerves, dont César venait d’exterminer presque entièrement la race ; le pays habité par les Aduatikes, ou bien encore celui des Venètes vendus comme esclaves. On voit au reste qu’après avoir fermé la Grèce et l’Italie aux peuplades errantes du nord, les Romains leur interdisaient l’entrée des Gaules : c’est toujours le même système.

Déjà plusieurs peuplades gauloises députaient vers ces Germains pour les inviter à quitter les bords du fleuve où ils paraissaient vouloir se fixer. On leur promettait de puissans secours, et enhardis par ces espérances, les Usipètes et les Tenchthères avaient pénétré sur le territoire de Trèves.

Le proconsul assembla les principaux de la Gaule. Sa conduite fut celle qu’on devait attendre d’un général qui connaissait toutes les ressources d’une politique adroite. Feignant de ne point connaître les trames secrètes des Gaulois, César les rassure contre le danger qui les menace, les anime, et les